Appliquer le modèle écologique pour repérer les facteurs de risques de commission d’actes de violence ou les facteurs contribuant à l’impunité

Dernière modification: December 30, 2011

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L’élimination de la violence à l’égard des femmes exige non seulement que l’on se concentre sur la prévention et la suppression des comportements individuels des auteurs des actes de violence, mais aussi la transformation des attitudes, pratiques et comportements fondamentaux qui ont pour effet une tolérance de la violence au niveau des relations interpersonnelles, de la communauté et de la société (UNODC, 2010). Les interventions dans ce domaine auprès du personnel de sécurité doivent associer (sous forme de partenariat ou autrement) les organisations se spécialisant dans le changement de comportement communautaire ou sociétal, pour faire en sorte que facteurs de risque à chaque niveau du modèle écologique (Heise, 1998) soient pris en considération lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de programmes pour le secteur de la sécurité. Au nombre des facteurs de risque de violence violence à l’égard des femmes et/ou des filles figurent les facteurs suivants :  

  • Facteurs de risque individuels : 

  •  
      Fait d’avoir été témoin ou victime de mauvais traitements, en tant qu’enfant, infligés par du personnel de sécurité, par exemple dans les communautés où la brutalité policière est chose commune ou dans les zones contrôlées par des groupes armés ou dans des États à régime militaire.
    • Recrutement à un jeune âge dans un groupe armé ou un gang et perturbation ou interruption de la scolarité correspondantes.
      Isolement prolongé de la famille ou des systèmes sociaux de soutien pouvant toucher les hommes et les garçons appartenant à des groupes de pairs exerçant un contrôle rigide ou du fait d’un recrutement forcé/enlèvement  par des groupes armés dans les situations de conflit.
    • Toxicomanie, pouvant provenir d’une réaction à des expériences traumatiques, telles que l’exposition continue à des crimes d’une grande violence.
  • Facteurs de risque liés aux relations : 

  •  
      Influence négative des pairs sociaux et des collègues qui promeuvent une expression de la masculinité normalisant la violence, l’agression et le statut inférieur des femmes (au foyer ainsi que dans la communauté et au travail). Cette influence s’exerce tout particulièrement dans les institutions à culture hypermasculine, telles que les forces armées.
    • Stress économique ou disparité de capacité de gains entre les hommes et leurs partenaires, qui peuvent être exacerbés, par exemple, lorsque les membres du personnel de sécurité de sexe masculin sont insuffisamment rémunérés ou ne le sont pas régulièrement et sont donc dans l’incapacité de subvenir aux besoins de leur famille.
  • Facteurs de risque communautaires/institutionnels : 

    • Normes institutionnelles promouvant ou perpétuant la position selon laquelle les personnels de sécurité ont le droit de faire usage de la violence (y inclus par des tactiques telles que le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle). Ces normes peuvent être ancrées dans des systèmes sociaux qui placent la police et les forces armées au-dessus de la loi et qui découragent la dissension ou la mise en question de leur autorité; elles peuvent également être appliquées dans les communautés et les postes où ces personnels opèrent (par exemple où la violence à l’égard des femmes qui sont perçues comme enfreignant les normes sociales ou ne respectant pas l’autorité de la police est tolérée et acceptée comme une riposte appropriée).
    • Pratiques institutionnelles promouvant l’agression et la domination masculine, en particulier lors du recrutement ou des activités d’initiation (qui peuvent comporter la commission de viols ou d’autres atteintes aux droits de la personne).
    • Processus de formation institutionnels promouvant des stéréotypes négatifs des femmes et des filles.
  • Facteurs de risques sociétaux : Les relations personnelles des membres des entités de sécurité et leurs interactions communautaires sont fortement influencées par les forces sociétales générales, telles que les intérêts économiques, les normes sociales, les croyances culturelles, les lois et politiques et les idéologies politiques. Parmi les facteurs de risque contribuant à la violence à de niveau figurent :

    • Les modèles historiques et sociétaux qui normalisent ou glorifient la violence de la part du secteur de la sécurité, y inclus le silence ou l’acceptation de la violence sexuelle et/ou domestique.

    • Les lois discriminatoires qui n’imposent pas au secteur de la sécurité l’obligation de protéger les femmes à risque ou les survivantes de la violence, ou les politiques de sécurité discriminatoires.

    • Les normes sociales qui accordent aux hommes le contrôle des comportements des femmes, ou le tolèrent, et qui sont internalisées par le personnel de sécurité.

 

Exemple : Évaluation des besoins et du genre au Libéria et en Sierra Leone    

Le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève, en partenariat avec le Women Peace and Security Network Africa (WISPEN-Africa), a procédé à une évaluation des besoins au Libéria et en Sierra Leone lors du démarrage d’un projet visant à renforcer l’intégration des questions relatives au genre et intéressant les femmes dans la réforme du secteur de la sécurité, ainsi qu’à accroître les capacités du personnel féminin de sécurité en tant qu’agents du changement dans le secteur. L’évaluation avait pour but : de recueillir des données de base sur les initiatives existantes et les pratiques prometteuses; de déterminer l’état des connaissances des parties prenantes sur le genre et la réforme du secteur de la sécurité pour éviter les redondances d’efforts et maximiser l’utilité des ressources limitées; et de sensibiliser les communautés ainsi que de renforcer leur participation à l’initiative, leur appropriation de l’initiative et la durabilité de celle-ci (WIPSEN-Africa, 2008). L’évaluation a comporté :

  • Des recherches de base

  • Une enquête par des interviews locales sur les attitudes communautaires auprès d’un échantillon représentatif (chefs locaux, dirigeant(e)s d’associations communautaires féminines, de groupements confessionnels et de groupes de jeunesse)

  • Des sondages d’informants clés au moyen d’interviews et de questionnaires (~50 par pays) avec des officiels et des dirigeants, où ont été utilisées différentes versions pour les parties prenantes du secteur, les membres des communautés, le personnel féminin et la société civile et une combinaison de questions ouvertes, fermées, à choix multiples et à échelle de Likert.

  • Des groupes de réflexion (par exemple en Sierra Leone, la Commission parlementaire pour la défense et les affaires intérieures et présidentielles).

Les principaux constats relatifs à la violence sexiste mis en évidence dans le rapport comprenaient notamment les suivants :

  • La violence domestique et sexuelle constitue une menace clé pour la sécurité pour tous les groupes de parties prenantes

  • Il se manifeste une résistance constante à l’inclusion des femmes dans le secteur de la sécurité

  • Le personnel de sécurité féminin a noté :

    • La marginalisation des femmes par rapport au processus décisionnel et la dominance masculine constituent des menaces et il est nécessaire de remédier à l’inégalité des sexes sous-jacente

    • La connaissance des unités d’appui familial est une mesure permettant de lutter contre la violence sexiste

    • Les rôles et le potentiel d’avancement du personnel féminin sont limités (environnement démotivant décourageant les femmes de chercher à faire carrière dans le secteur).

  • Les organisations de la société civile (principalement celles qui s’intéressent aux questions de sécurité, de justice et de genre) ont noté :

    • L’existence d’un manque de consultation, laquelle se limite généralement au partage d’information ou à la participation aux réunions

    • L’absence d’impact clair résultant du processus de réforme.

  • Les membres des communautés (groupes de femmes au niveau de base, groupes confessionnels, dirigeants locaux, jeunes) ont noté :

    • Le manque de confiance dans les forces de police, perçues comme corrompues et mal équipées pour intervenir lors des cas déclarés, avec toutefois un niveau de confiance plus grand dans les forces armées.

    • La nécessité d’une police de proximité, d’une vérification des antécédents des éventuelles recrues du secteur de la sécurité, d’auditions publiques sur les questions de sécurité et d’efforts d’augmentation du recrutement de personnel féminin.

 L’évaluation a suscité de fortes attentes des parties prenantes et a produit des recommandations, notamment :

Sources : WIPSEN et DCAF. 2008. Needs Assessment [Évaluation des besoins] ___.2008. Security Sector Reform in West Africa: Strengthening the Integration of Gender and Enhancing the Capacities of Female Security Sector Personnel' [Réforme du secteur de la sécurité en Afrique de l’Ouest : Renforcement de l’intégration du genre et accroissement des capacités du personnel féminin du secteur de la sécurité]. WIPSEN- Accra.

Outils clés

Needs assessment toolkit on the criminal justice response to human trafficking [Trousse à outils d’évaluation des besoins sur la réponse de la justice pénale à la traite des personnes] (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, 2010). Cette trousse à outils a été élaborée pour l’ONUDC dans le cadre de l’Initiative mondiale de lutte contre la traite des êtres humains. Il a pour but de fournir des directives pour évaluer la réponse de la justice pénal à la traite des personnes dans les divers États. Il contient un Questionnaire d’évaluation des besoins de formation (annexe A) dont peuvent se servir les institutions de sécurité pour déterminer leurs besoins en matière de répression de la traite des personnes ou qui peut être adapté pour évaluer plus généralement les besoins de formation à la prévention de la violence à l’égard des femmes et des filles et aux interventions dans ce domaine. Disponible en anglais.            

Gender-Based Violence Legal Aid: A Participatory Toolkit [Aide juridique pour les cas de violence sexiste : trousse à outils participative] (ARC International, 2005). Cette trousse à outils est destinée au personnel qui travaille avec le personnel de sécurité  tel que la police locale, les soldats de la paix internationaux et les ministères tels que celui de l’Intérieur. Elle contient divers outils et des explications et des conseils étapes par étape pour l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de programmes de lutte contre la violence sexiste comportant des stratégies adéquates, appropriées et globales de prévention et d’intervention dans le cadre d’une approche multisectorielle. La trousse contient des conseils et des modèles pour procéder à une évaluation préliminaire des services et des besoins.  Disponible en anglais.