Principaux obstacles

Dernière modification: October 31, 2010

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Les progrès accomplis sur le plan judiciaire et politique dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes sont entravés par une série d’obstacles majeurs qui perpétuent les déficiences de la mise en place, du développement et de la responsabilisation des programmes et nuisent à leur efficacité. Ces obstacles ont pour cause:

  • l’inégalité des sexes
  • l’impunité
  • l’insuffisance des ressources humaines
  • techniques et financières
  • la faiblesse des dispositifs de coordination et de surveillance
  • le manque de données et de recherche
  • l’ignorance des groupes et des problèmes des femmes marginalisées
  • l’absence de base d’évaluation et de preuves pour guider les programmes
  • l’insuffisance de la portée et de la couverture des services et des interventions
  • la faiblesse de la demande de services des victimes de violence et
  • l’incohérence des activités de prévention et d’intervention contre la violence

 

Inégalité des sexes

Les multiples formes historiques d’inégalités persistantes entre les hommes et les femmes dans le monde contribuent à perpétuer la violence à l’égard des femmes dans les sphères privés et publics. Cette discrimination et les obstacles qui empêchent les femmes d’exercer leurs droits, d’accéder aux services et aux autres opportunités augmentent considérablement leurs risques de subir des violences. Les normes et les valeurs généralement acceptées de ce qui constitue un comportement et des relations interpersonnelles convenables entre les sexes sont inculquées dès l’enfance. Par exemple, en termes simplifiés, dans de nombreuses sociétés les filles sont élevées pour être plus soumises et s’en remettre à l’autorité masculine, alors que les garçons apprennent à être plus autoritaires, dominateurs et agressifs, reflétant ainsi les rôles traditionnels que la société confère aux deux sexes plus tard dans la vie, la femme comme épouse et mère, l’homme comme l’autorité masculine qui subvient aux besoins de sa famille

La perception sociétale de l’homme et de la femme et la définition et la compréhension de la condition masculine et féminine définissent les rapports de force et d’autorité entre les sexes au foyer et dans la société. Les normes régissant les rapports de force entre les sexes façonnent  aussi la manière de considérer et de tolérer la violence à l’égard des femmes dans différents contextes. Ces normes, les préjugés sexistes et les comportements discriminatoires imprègnent souvent aussi les différentes sphères du service public, les fonctionnaires partageant probablement les mêmes opinions que le reste des membres de la société. Il convient donc de remédier aux inégalités des sexes dans toutes les services qui offrent aux victimes de la violence une assistance juridique, une aide sociale, sanitaire et sécuritaire, ainsi que dans ceux  chargés de l’éducation des garçons et des filles.

L’une des difficultés majeures dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes est de décourager les attitudes sexistes néfastes et les rôles dévolus aux deux sexes profondément ancrés dans la société et d’encourager les notions de respect mutuel et d’égalité entre les sexes.

Impunité

L’un des principaux obstacles à l’élimination de la violence à l’égard des femmes réside dans l’absence de responsabilisation des États. L’acceptation généralisée de la violence à l’égard des femmes, l’absence de volonté politique, la faiblesse des dispositifs de protection et de répression juridique, l’insuffisance des ressources allouées et/ou la carence des engagements publics contribuent à encourager l’impunité. Cela est particulièrement vrai pour les pays et les communautés dotés de dispositifs judiciaires faibles et où les pratiques de droit coutumier et les dispositifs judiciaires informels généralement plus utilisés contreviennent aux normes internationales des droits de l’homme. Dans de tels cas, l’accès des victimes de la violence à l’appareil judiciaire officiel peut être entravé par des obstacles comme les préjugés sexistes et les attitudes discriminatoires, l’opprobre et les difficultés financières (imputables au statut socio-économique inférieur de la femme). L’élimination de l’impunité passe nécessairement par la comparution et la condamnation appropriée des auteurs de violence à l’égard des femmes, par l’octroi à la femme des mêmes droits de protection juridique qu’à l’homme et du même accès aux tribunaux (garantis par les pouvoirs publics), et par l’élimination des comportements qui encouragent, justifient ou tolèrent la violence à l’égard des femmes. (Assemblée générale de l’ONU, 2006; AusAID, 2008)

Insuffisance des ressources humaines, techniques et financières

Le nombre croissant de pays qui ont adopté des législations et des stratégies de lutte contre la violence à l’égard des femmes n’ont que très rarement fourni le financement ou l’appui institutionnel, humain ou infrastructurel et autres formes d’appui indispensables à la mise en place effective des programmes au niveau national ou sous-national. Les compétences et les connaissances en matière de prévention et d’intervention contre la violence à l’égard des femmes, en particulier la mise en place de programmes factuels, sont souvent insuffisantes, surtout lorsque les ressources sont limitées. De surcroît, les changements fréquents de personnel ne permettent pas de retenir les cadres professionnels compétents et expérimentés. Des engagements financiers durables et viables, notamment pour perfectionner les compétences et élargir les connaissances dans les domaines et secteurs clés, et des améliorations visant à éliminer les goulets d’étranglement qui empêchent la fourniture de services sont nécessaires à tous les niveaux afin de permettre aux gouvernements de tenir leurs engagements de mettre fin à la violence à l’égard des femmes.

Faiblesse des dispositifs de coordination et de surveillance au niveau national

La lutte contre la violence à l’égard des femmes passe par des actions multisectorielles, associant au minimum les services sanitaires, éducationnels, sociaux, juridiques et sécuritaires, et, sur le plan stratégique, d’autres services clés comme le travail, la migration et la planification urbaine. Contrairement aux départements autonomes, aucun ministère de tutelle n’est chargé de la coordination des activités visant à éliminer la violence à l’égard des femmes. Cette responsabilité revient le plus souvent au ministère de la condition féminine ou son équivalent, qui ne dispose ni des ressources financières ni du pouvoir politique ou institutionnel nécessaires au sein des gouvernements. D’autres mécanismes et processus, comme les approches sectorielles (SWAps) et la décentralisation ne sont pas nécessairement les plus appropriés pour la coordination et la surveillance de la mise en place de stratégies et de programmes où la lutte contre la violence à l’égard des femmes n’est pas considérée comme une préoccupation prioritaire. Il convient également d’établir des voies de communication officielles et des mécanismes de partage de l’information entre les gouvernements et les gouvernements et les organisations non gouvernementales qui s’intéressent à cette question pour formuler des réponses coordonnées et efficaces à la violence à l’égard des femmes.

Manque de données et de recherche

Ces activités suscitent certes un intérêt croissant et reçoivent un financement plus important, mais les données statistiques relatives à l’ampleur, à la nature et aux conséquences de la violence à l’égard des femmes demeurent insuffisantes. Des enquêtes quantitatives ont été menées dans une centaine de pays, mais la méthodologie utilisée, le nombre de personnes interrogées et le type d’information collectée varient sensiblement d’un pays à l’autre. Ces enquêtes ne détectent pas normalement toutes les formes de violence ni ne répercutent les différentes formes de violence perpétrée contre des groupes de femmes de tel ou tel pays, ou autres informations ventilées susceptibles d’être utilisées aux fins de planification. Les études démographiques (qui sont moins nombreuses) constituent les sources de données les plus fiables, mais elles sont coûteuses à réaliser et exigent des connaissances techniques avancées. Il n’est pourtant possible de mesurer les progrès réalisés au fil des ans dans la réduction de la prévalence et des incidences de la violence à l’égard des femmes sans la reproduction de telles études à intervalles réguliers (tous les cinq ou 10 ans). La diffusion de messages de mobilisation de choc qui ne reposent pas sur des données crédibles nuit en outre aux campagnes de mobilisation politique et financière.

Ignorance des groupes et des problèmes des femmes marginalisées

Certaines formes de violence, certains groupes de femmes et certaines situations, leurs coûts et leurs conséquences, ne reçoivent pas l’attention qu’ils méritent. Cela est dû à l’absence de données et d’analyse qui permettraient d’étoffer les connaissances sur les formes variées de violence à l’égard de tel ou tel groupe de femmes dans une situation donnée. Ces formes de violence, qui varient d’un pays et d’une région à l’autre, sont :

  • le femicide;
  • la violence à l’égard des groupes de femmes marginalisées ou exclues, comme les femmes autochtones, les employées de maison, les femmes détenues et les femmes migrantes (Assemblée générale de l’ONU, 2006;
  • la violence sexuelle et le viol dans le mariage et ceux subis par les adolescentes et les jeunes femmes dans toutes les conditions;
  • la corrélation entre la violence à l’égard des femmes et la contraction du VIH et du sida;
  • la violence et le harcèlement sexuel perpétrés dans les lieux publics comme les transports en commun, les marchés, le milieu urbain, les écoles, les fermes agricoles et autres endroits publics;
  • la violence politique dirigée à l’encontre des femmes lors des élections, dans la course à la fonction publique ou aux postes de haute responsabilité;
  • la violence dans les situations de conflit, d’après conflit et les situations d’urgence;
  • la prévention primaire (qui consiste à prévenir la violence avant qu’elle n’éclate en partenariat avec des groupes stratégiques d’hommes, d’adolescents et d’enfants qui ont été témoins de sévices infligés aux femmes).

Les questions relatives aux formes de violence et aux situations où elles se produisent sont souvent absentes, ignorées ou à peine effleurées dans les stratégies et les programmes de mobilisation contre la violence à l’égard des femmes. Ces lacunes ralentissent ou freinent l’identification et l’élaboration de programmes et d’approches efficaces.

Absence d’évaluation et de preuve pour guider les programmes

Le peu d’intérêt suscité pendant des années par la lutte contre la violence à l’égard des femmes et les moyens insuffisants alloués aux activités dans ce domaine expliquent l’absence d’évaluations et de connaissances sur les approches avisées capables d’orienter les politiques et les programmes. Malgré les vastes connaissances accumulées par le biais de l’approche factuelle, il est toujours hasardeux de désigner les pratiques encourageantes ou les bonnes pratiques et les stratégies de prévention et d’intervention judicieuses en l’absence de conclusions évaluatives plus solides. Les programmes réalisés à ce jour n’ont disposé que très rarement des ressources financières adéquates pour mener des évaluations de lignes de données ou pour la mise en place de cadres et d’activités de surveillance et d’évaluation appropriés. Il est impossible dans ces conditions de déterminer la corrélation entre la mise en place d’un programme d’intervention et les changements qui s’en suivent.

En outre, la méthodologie, la rigueur, l’échelle et la portée des évaluations, lorsqu’il y en a, varient sensiblement (elles se concentrent, par exemple, sur un sous-groupe d’hommes ou de femmes, ou sur un seul lieu). Cette incohérence ne permet pas de tirer les conclusions nécessaires à l’adaptation des programmes à des situations sociales ou géographiques différentes. L’absence de données comparables limite aussi la compréhension de la manière dont fonctionnent les approches avisées et du réel impact des programmes, et rend impossible l’identification des pratiques susceptibles d’être développées ou adaptées aux circonstances particulières d’autres pays.

Pour apprendre davantage sur la réalisation des enquêtes de surveillance et d’évaluation, veuillez consulter la Section du suivi et d’évaluation.

Pour en savoir davantage sur les preuves disponibles à ce jour, veuillez consulter les modules de programmation spécifiques sur la page du Centre de connaissances virtuelles.

Insuffisance de la portée et de la couverture des services et des interventions

La portée et la couverture des services fournis aux victimes de la violence à l’égard des femmes dans la plupart des pays demeurent très insuffisantes eu égard à leur nombre très élevé. Cette insuffisance est imputable au faible intérêt suscité par cette question et aux moyens insuffisants consentis pour y remédier. Les services d’aide aux victimes de la violence à l’égard des femmes, lorsqu’ils existent, se concentrent le plus souvent dans les centres urbains ou les grandes villes, et couvrent très rarement toute la gamme des besoins, axant leurs efforts sur un ou deux domaines en raison du manque de capacité de coordination et d’orientation. De nombreux services (notamment les résidences protégées/abris, l’aide juridique et autres services d’appui) sont fournis par des organisations non gouvernementales et des organisations de femmes, qui manquent de moyens et ne peuvent atteindre qu’un petit nombre de victimes de la violence. De plus, il y a de fortes chances pour que les approches utilisées ne correspondent pas aux besoins des groupes particulièrement vulnérables ou à haut risque comme les adolescentes, les femmes migrantes, les femmes autochtones et autres groupes de femmes pour la sensibilisation desquels les méthodes communément utilisées ne suffisent pas. L’absence de programmes de prévention primaire efficaces, imputable au manque de financement et à l’accent mis sur l’aide apportée aux survivantes une fois qu’elles ont été maltraitées, aggrave cette situation.

Faiblesse de la demande de services des victimes de la violence

Il y a de nombreuses raisons qui expliquent la réticence des femmes à recourir aux services qui leur sont proposés, certaines d’ordre personnel, d’autres résultant de la discrimination systématique dont elles font l’objet de la part des organismes et des communautés environnants. Parmi ces facteurs il y a:

  • la crainte du rejet ou des critiques émises par les prestataires de services, les membres de leur communauté et leurs familles et amis;
  • les comportements négatifs et les mauvais soins fournis par les prestataires de services (en particulier ceux qui constituent le premier contact - les services de santé et les forces de l’ordre);
  • l’ignorance de leurs droits juridiques, des ressources et des services à leur disposition et de l’existence d’autres mécanismes de recours;
  • l’incapacité d’accéder aux services par manque de moyens de transport, de temps et d’argent;
  • une mobilité restreinte;
  • l’absence d’occasions de prendre des décisions au foyer;
  • la crainte de représailles de la part d’un partenaire violent (en particulier lorsque les moyens d’intervention de la police sont faibles et les ordonnances de protection ne sont pas scrupuleusement appliquées);
  • la dépendance financière du mari, du partenaire ou du reste de la famille, associée à l’absence de perspective de rémunération ou d’autres choix;
  • la crainte et la réticence de s’engager dans des démarches et processus juridiques complexes ne faisant pas place aux femmes et susceptibles d’en faire à nouveau des victimes;
  • la crainte de perdre la garde de l’enfant.

Incohérence des activités

La planification et la mise en œuvre de la plupart des programmes d’intervention en réponse à la violence à l’égard des femmes se font en vase clos, faute d’un plan multisectoriel national énergique, d’un organisme de coordination et de mécanismes officiels de collaboration et de partage de l’information. Cette incohérence explique les graves carences dans l’approche globale à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, en particulier une fourniture partielle et inégale de services; des activités de prévention improvisées indépendantes des activités d’intervention; et mise en place de législations et de stratégies sans rapport avec les réalités sur le terrain. La dispersion des services locaux empêche les victimes de la violence d’avoir accès à tous les services en un seul endroit, les forçant à effectuer de longs trajets pour se rendre d’un service à l’autre, à répéter inlassablement le récit des violences subies, et à assumer la responsabilité de retracer et de réunir leurs dossiers médicaux, policiers et judiciaires. Cette incohérence traduit l’absence de systématisation des données administratives, réduisant ainsi les chances de pouvoir établir des dossiers précis et cohérents susceptibles d’éclairer la nature et l’ampleur du problème de la violence à l’égard des femmes, d’identifier les programmes d’intervention qui fonctionnent et ceux qu’il faudra repenser, et complique l’intégration des conclusions des programmes contre la violence à l’égard des femmes dans des cadres stratégiques et programmatiques multipartites globaux.