Assurez la participation active des femmes au processus d’aménagement de l’espace, ce qui veut dire prendre au sérieux leurs expériences personnelles

Dernière modification: December 03, 2010

Ce contenu est disponible dans

Les options
Les options

Les urbanistes devront consulter les femmes s’ils veulent véritablement comprendre les différentes façons dont celles-ci utilisent les espaces publics. Ce dialogue est essentiel pour la mise au point des programmes de villes sûres pour les femmes et les filles. Celles-ci savent mieux que quiconque ce que leur propre sécurité veut dire et comment elles utilisent la ville. Il est donc impératif qu’elles s’impliquent personnellement dans le processus de planification pour fournir des informations sur les questions sécuritaires et proposer d’éventuelles solutions. Il y a de nombreuses manières de permettre aux femmes de participer à la planification des espaces, notamment par des consultations publiques, des groupes de réflexion et des enquêtes. Un élément clé de ces approches est la collecte de données de base avant le lancement d’un programme, d’une action, d’une initiative ou d’un projet en matière de sécurité urbaine des femmes. Voir la section Identification des problèmes sécuritaires.

Il convient également de noter qu’afin de mieux comprendre et de mieux satisfaire les attentes des femmes, les urbanistes devront être convaincus du caractère légitime et sérieux de l’usage que font les femmes des espaces publics et de leur manière de percevoir les espaces (Davies et al., 2002). Les urbanistes, les architectes urbains et les responsables locaux devront non seulement rechercher la participation active et les contributions des femmes au processus d’aménagement des espaces, mais s’assurer que cette participation et ces contributions sont appréciées à leur juste valeur et qu’il en est tenu compte sur le terrain. Parfois, les femmes et les filles n’ont pas la même façon de communiquer que les urbanistes et les décideurs, en ce qu’elles évoquent leurs sentiments et leurs intuitions plutôt que de s’en tenir strictement aux faits. Cela ne signifie pas que les utilisations et les expériences des femmes et des filles sont moins fondées ou moins importantes et les urbanistes et les décideurs devront, en particulier initialement, se garder de tirer de telles conclusions (Davies et al., 2002).

Intégrez les préoccupations et les craintes exprimées par les femmes dans les processus de planification et d’aménagement urbain. Les craintes et les soucis exprimés par les femmes varient d’une collectivité à l’autre. Les connaissances approfondies des femmes de leur degré d’accessibilité aux espaces urbains constituent une précieuse source d’information pour les urbanistes et les architectes peu familiers avec un espace donné.

Exemple :Jagori Focus Group Discussion Presentation [Présentation sur les débats de groupes de consultation de Jagori] (2010). Cette présentation PowerPoint, due à l’organisation indienne de femmes Jagori, donne un aperçu général du processus et des résultats des débats de groupes de consultation portant sur le problème de la sécurité, débats qui se sont déroulés avec différents groupes de femmes à Delhi.  

Étude de cas : Les audits en matière de sécurité et leur application aux femmes

Qu’est-ce qu’un audit de sécurité?

Un audit sur la sécurité est un outil ayant pour objet d’accroître les connaissances des destinataires, en l’occurrence les femmes, et d’améliorer la sécurité dans leur collectivité. Ils sont guidés par trois principes majeurs. Le premier est que les femmes connaissent mieux que quiconque leur environnement et leurs besoins sécuritaires. Le deuxième est que les audits encouragent la recherche de solutions locales et particulières à chaque problème sécuritaire. Et le troisième est que les audits stimulent la constitution de partenariats entre les femmes et les responsables locaux.

Pourquoi l’audit de sécurité est-il un instrument utile?

Le premier audit en matière de sécurité des femmes a été réalisé en 1989 à Toronto  (Canada) par le Metropolitan Action Committee on Violence Against Women and Children (METRAC). Depuis lors, de nombreux groupes de femmes dans le monde y ont eu recours dans leurs propres collectivités. En outre, plusieurs éditions de guides pour audits sur la sécurité des femmes ont été développées par différentes organisations (voir les ressources en fin de chapitre). Les utilisateurs de ce type d’audit ont rapporté les principaux avantages suivants : réaménagement du cadre physique de manière à le rendre plus sécuritaire pour les femmes et pour la collectivité en général, modifications des programmes et politiques à l’échelon local visant à améliorer leur capacité de mobilisation pour la sécurité des femmes et de la collectivité en général, financement et publicité positive accrus des organisations et des collectivités qui mènent de tels audits; connaissances et confiance renforcées des participantes aux audits, et  meilleure sensibilisation du public aux problèmes liés à la sécurité des femmes (Lambrick et Travers, 2008). L’audit sur la sécurité des femmes a été évalué et est reconnu sur le plan international comme une « pratique optimale ».

Comment réaliser un audit de sécurité

Normalement, le processus démarre par une réunion d’un groupe de femmes et, le cas échéant, d’autres membres de la collectivité, qui examinent les lieux jugés dangereux par la collectivité. Le travail des groupes d’audits de sécurité est plus efficace si les points de vue exprimés par leurs membres couvrent un grand nombre de préoccupations sécuritaires (de femmes jeunes et âgées, de femmes handicapées, de femmes de différentes origines ethniques) (WISE, 2005, 13). Les espaces jugés peu sûrs par le groupe comprennent habituellement les zones de stationnement, les allées entre les logements résidentiels et les sources d’eau, ou les logements sociaux. Une fois que les membres du groupe d’audit ont décidé de vérifier un espace donné, ils se rendent sur place pour consigner les éléments ou les caractéristiques du lieu qui, selon eux, contribuent à l’insécurité (habituellement munis d’une liste de vérification déjà préparée). Voir Identification des problèmes sécuritaires de la section Planification et aménagement des programmes, pour les modèles de listes de vérification. Les facteurs ou caractéristiques qui diminuent la sécurité d’un lieu sont : éclairage insuffisant, graffitis contenant des messages négatifs ou endroit désert (Rodigou; Nazar; Monserrat, 2009). A l’issue de l’audit, le groupe présente aux responsables locaux et aux autres membres de la collectivité des propositions d’amélioration de l’espace considéré.

Pour des instructions détaillées et des conseils sur la façon de réaliser un audit sur la sécurité des femmes, voir les guides et le matériel pédagogique figurant dans la section des ressources ci-dessous.

Source : Femmes et Villes international, 2009.

Ressources :

Walking Our Neighbourhoods, Building Cities Free from Violence: Training material for neighbours to conduct participatory baseline assessments of their neighbourhoods so as to improve their habitability and social ties [Marcher dans nos quartiers, bâtir des villes à l’abri de la violence: Matériel de formation à la réalisation d’évaluations participatives de données de base des quartiers en vue d’améliorer leur habitabilité et de renforcer les rapports sociaux] (M. Rodigou, avec la collaboration de M. Nazar, 2008). CISCSA – Centro de Intercambio y Servicios Cono Sur (Argentine). Les ressources comportent : un guide disponible en anglais et en espagnol, une liste de vérification disponible en anglais et en espagnol, des photos d’atelier; une vidéo disponible en français, en anglais et en espagnol.

Women’s Safety Audit Guide: Safety for Women, Safety for Everyone, Let’s Act on it!!! [Guide d’audit sur la sécurité des femmes : Sécurité pour les femmes, sécurité pour tous, agissons tous ensemble !!!] Women’s Initiatives for Safer Environments (WISE) (WISE, 2005). Disponible en anglais.

Cowichan Valley Safety Audit Guide. Cowichan Women Against Violence Society (Cowichan Women Against Violence Society, 1999). Disponible en anglais.

Guide de réalisation d’une marche exploratoire [Safety Audit Guide], Ville de Lévis, Québec (Ville de Lévis, Québec, non daté). Disponible en français.

METRAC’s Safety Audit Kit [Guide de réalisation d’une marche exploratoire], Metropolitan Action Committee on Violence Against Women and Children (METRAC, sans date). Disponible à l’achat en français, en anglais, en espagnol, en chinois, en panjabi et en tamoul auprès du METRAC.

Making Safer Places: A Resource Book for Neighbourhood Safety Audits. S. Cavanagh [Renforcer la sécurité des lieux physiques : Manuel d’audits sur la sécurité des quartiers] (Women’s Design Service, 1998). Disponible en anglais.

La marche exploratoire… Une façon simple d’améliorer la sécurité dans votre milieu. Commission Femmes et ville, Ville de Québec, non daté) (Commission Femmes et ville de la Ville de Québec). Disponible en français.

Sécurité des lieux : Guide d’évaluation. Fédération des Infirmières et des Infirmiers du Québec (2003). Disponible en français.

 Pour des renseignements sur la manière dont l’audit de sécurité a été adapté aux besoins de différents groupes de femmes, voir consulter la Section Identification des problèmes sécuritaires 

Plan It Safe Kit [Trousse de planification de la sécurité], Nouvelle-Galles du Sud, (Australie), (1998). Il s’agit d’un manuel en ligne visant à renforcer la sécurité des femmes sur les lieux publics. Produit par le Safe Women Project, le manuel aborde le problème de la sécurité des femmes sous l’angle des dangers ressentis et des expériences quotidiennes. Il examine également la constitution de partenariats pour la sécurité des femmes entre les groupes locaux, les autorités municipales et l’administration publique. Le manuel offre aussi des conseils pour la formation de comités locaux pour la sécurité et pour la coopération avec les urbanistes sur l’aménagement sécuritaire des villes. Les activités de sensibilisation et de mobilisation en matière de sécurité des femmes y sont également étudiées. Le manuel comprend en outre des études de cas australiens et des annotations personnelles de femmes. Disponible en anglais.

Surveys (2002) in Women and Community Safety: A Resource Book on Planning for Safer Communities. [Enquêtes (2002) dans Femmes et sécurité collective: Manuel d’outils d’aménagement de collectivités plus sécuritaires]. Cowichan Women Against Violence Society, 2002]. Cowichan Women Against Violence Society : Chapitre 4, pages 53-55.  Les enquêtes sont des outils permettant aux urbanistes et aux autres responsables de l’aménagement urbain de s’informer sur ce que ressentent les  femmes dans les espaces qu’elles utilisent. Le manuel fournit des indications sur la manière de mener une enquête, et un échantillonnage de questions à poser dans le cadre des enquêtes sur la sécurité des femmes. Disponible en français et en anglais.

« Fearometer ». (Royal Town Planning Institute, non daté): Section GPN7, page 10. Le Women’s Design Service a développé un programme intitulé Making Safer Places (Renforcer la sécurité des lieux) à Bristol, Wolverhampton, Londres et Manchester, où il est fait usage d’un exercice appelé « fearometer » [« peuromètre »]. L’objectif de l’exercice est de découvrir ce qui fait peur aux femmes en leur demandant de noter différents facteurs sur une échelle allant qui va de « sécuritaire » à « dangereux». Les femmes mènent ensuite des audits de leur propre quartier, propriété ou parc pour identifier les éléments de l’environnement physique qui favorisent la criminalité ou induisent une peur de la criminalité, et elles émettent des propositions de renforcement de la sécurité des lieux, comme le déplacement ou l’enlèvement de la végétation, le réaménagement des passages publics ou l’installation de clôtures. Disponible en anglais. 

Cuaderno de Propuestas. Más Mujeres en las calles sin miedo ni violencia. [Cahier de propositions : Davantage de femmes dans les rues sans peur ni violence] (2008). Cette publication a été produite par le Programme régional d’UNIFEM « Villes sans violence à l’égard des femmes, villes sûres pour tous », exécuté par le Réseau Femmes et Habitat de l’Amérique latine et des Caraïbes. Elle offre une description des lieux identifiés comme « pas sûrs » et explique les raisons pour lesquelles les femmes ne s’y sentent pas en sécurité. Le cahier de travail comprend également des propositions d’amélioration des quartiers à l’intention des responsables locaux. Ce matériel peut être utilisé par les organisations locales et de femmes, et par les représentants de l’administration publique. Disponible en espagnol.

Étude de cas : Projet « Plazas nocturnas » [Places nocturnes],
La Pintana, Santiago (Chili).

Dans un quartier de Santiago, le projet « Places nocturnes » permet aux femmes d’aménager ou de se réapproprier des espaces publics pour elles-mêmes et leur collectivité. Dès le départ, le projet a concentré ses efforts dans les quartiers périphériques pauvres de la ville. Il vise à améliorer la qualité des espaces publics par des actions de planification et d’aménagement urbain qui prennent en considération les suggestions des femmes de ces quartiers. Les espaces ainsi aménagés sont dénommés « places nocturnes ». Une « place nocturne » est une place publique qui, d’un lieu peu sûr et peu accueillant pour les femmes le soir, est transformée en un lieu sûr et accueillant. Les changements généralement apportés comportent un meilleur éclairage, des marchés en plein air, des soirées de cinéma et des équipements d’éducation physique. La transformation des « places nocturnes » traduit le droit des femmes à se réapproprier les espaces publics urbains. Le projet a été réalisé dans le cadre du Programme régional conjoint d’UNIFEM et du Réseau Mujer y Habitat « Villes sans violence à l’égard des femmes, villes sûres pour tous ». Disponible en espagnol

Étude de cas : Women and Accessibility in Town Centres: Open Sesame Project [Femmes et accessibilité aux centres-villes.
Projet Sésame, ouvre-toi] (Royaume-Uni)

Le Projet Open Sesame est un projet conjoint qui répond aux attentes des femmes par l’aménagement urbain. Il vise à encourager la participation active de la collectivité aux efforts d’amélioration du cadre bâti. La méconnaissance des besoins des femmes a été considérée comme une raison de l’ « aménagement insensible » des centres-villes. L’autre raison évoquée a été la non-participation des femmes aux processus de planification et de prises de décision en matière d’aménagement urbain. C’est pourquoi le projet s’est fixé les objectifs suivants :

Souligner les problèmes d’accès des femmes en tant que principales responsables de leurs familles aux centres-villes et y sensibiliser les urbanistes et les commerçants.

 Encourager les commerçants à remédier aux problèmes d’accès au moyen d’un système de notation octroyant une, deux ou trois étoiles aux commerces qui proposent l’accès le plus facile et des services de base.

 Trouver des moyens de faire participer les femmes qui vivent et travaillent dans la région de Londres à tous les niveaux du processus d’amélioration de l’environnement physique.

 De nombreux groupes locaux de femmes de Haringey ont participé à toutes les étapes de la mise en place de ce projet, ainsi qu’au processus décisionnel. Le projet a débouché sur l’élaboration d’une série de directives à l’intention des urbanistes concernant l’accès aux commerces et aux installations des centres-villes. »

Extrait du Programme MOST (sans date) : « Women and Accessibility in Town Centres: Open Sesame Project, United Kingdom ». Sur MOST Clearing House Best Practices. Disponible en anglais.

Utilisez la cartographie pour illustrer les expériences et les sentiments personnels en matière de sécurité et d’insécurité.

À l’aide de cartes pour retracer visuellement leurs expériences personnelles et leur connaissance quotidienne de la ville, les femmes peuvent indiquer et faire connaître leur façon d’utiliser les espaces, ainsi que les lieux où elles ne se sentent pas en sécurité. En règle générale, lorsque plusieurs femmes dessinent des cartes d’un même lieu, ces cartes sont différentes. Cela s’explique du fait que les résidents d’un même quartier peuvent vivre des expériences très différentes de leur cadre ambiant, et de leur ville en général. Une femme et un homme dessineront, par exemple, des cartes très différentes de la même ville parce qu’ils suivent des trajets différents, ont des horaires différents, jouent des rôles différents dans leur ménage, éprouvent des sentiments d’insécurité différents et ont des expériences différentes de la violence. Les cartes tracées par les femmes illustrent leurs expériences subjectives et vécues de la ville. Ces cartes constituent un moyen très explicite et simple de partager des informations avec les décideurs et les autres femmes. L’utilisation de la cartographie est d’une efficacité maximale lorsque :

  • Le langage employé pour expliquer comment dessiner les cartes est simple et sans jargon technique;
  • Les cartes et les graphiques à l’usage des divers groupes de femmes et de filles sont simples et conviviaux;
  • Les cartes comportent des illustrations qui retiennent l’attention, des images aux couleurs vives, des modèles et des symboles connus.

 

Exemples :

HARASSmap (2010). Ce programme de cartographie permet aux femmes et aux filles égyptiennes d’envoyer des SMS sur le type de harcèlement qu’elles subissent et sur le lieu où se produisent les faits. Ces informations sont recueillies et affichées sur un site web public.  Le site possède également une section où les usagères/usagers peuvent donner des retours d’information et indiquer des stratégies pour faire face au harcèlement sexuel. Disponible en anglais et en arabe.

Cartes de Gender Safety Audits for Public Spaces and Proposals for Safe Urban Spaces [Audits de sécurité sexospécifiques pour les espaces publics et propositions d’espaces publics sûrs] (2010) par la Municipal Corporation of Delhi et INTACH, section de Delhi.

 

Kibera Map [Carte de Kibera] (2009).

Le projet Kibera Map, qui a démarré en 2009. a pour objet de dresser la carte de Kibera, le plus grand bidonville du Kenya. Avant ce projet, la zone figurait en blanc sur la plupart des cartes. Les responsables du projet estiment que « sans connaissances de base de la géographie et des ressources de Kibera, il n’est pas possible de parler rationnellement de la façon d’améliorer les conditions de vie des habitants ». À présent, ceux-ci et les autres usagers de la zone peuvent se rendre en ligne pour ajouter des routes, des points de repère et d’autres indications qu’ils considèrent comme pertinents pour une carte du bidonville. Ce sont les jeunes qui sont le principal public ciblé par le projet. Les domaines thématiques figurant sur la carte sont notamment la santé, l’éducation, l’eau/assainissement et la sécurité. Disponible en anglais.

Carte mondiale HALTE au harcèlement sexuel dans la rue.

Cette carte mondiale produite par les usagers permet aux femmes d’indiquer sur une carte les endroits où elles ont subi du harcèlement sexuel ou des agressions dans les rues. Chaque marqueur porté sur la carte est accompagné d’une description du harcèlement subi par la victime. Voir la carte ici

Carte de la localité de Kennedy à Bogota (Colombie) (2010).

Cette carte a été créée dans le cadre du Programme régional d’UNIFEM « Villes sans violence à l’égard des femmes, villes sûres pour tous » exécuté par le Réseau Femmes et Habitat de l’Amérique latine.

 


Source de l’illustration : Red Mujer y Habitat de América Latina.

 

Étude de cas : « Mapa de la Ciudad Prohibida » [Carte de la Ville interdite] Bureau de l’égalité du Conseil municipal de Basauri et Collectif féminin urbain de Madrid

En 2001, 20 jeunes ont été réunis pour dresser la « Carte de la Ville interdite ». Les participants à l’atelier ont été divisés en deux groupes, chacun devant identifier les espaces urbains qui leur faisaient peur. Ces lieux ont ensuite été tracés sur une carte. Lorsque les deux groupes se sont réunis pour examiner leurs cartes, ils ont constaté qu’il y avait unanimité sur la désignation des lieux jugés dangereux. C’est ainsi que les deux groupes ont indiqué les bâtiments scolaires isolés, les parcs et les terrains de sport entourés de grand-routes comme des endroits dangereux. Leurs conclusions ont entraîné un débat sur la manière de relier les quartiers et d’obtenir des subventions pour des services de transports publics nocturnes pour les jeunes. 

D’après E. Aldasoro; A. Sanz del Pozo. (2002). Mapa de la Ciudad Prohibida para las Mujeres. Una experiencia de participación con las mujeres jovenes [Dresser la carte de la Ville interdite pour les femmes : Initiative pour la participation des jeunes femmes], page 32. Basauri : Bureau de l’égalité du Conseil municipal de Basauri. Disponible en ligne en espagnol.

Étude de cas : Is This Our City? Mapping Safety for Women in Delhi [Est-ce bien notre ville ? Carte de la sécurité des femmes à Delhi] (JAGORI)

Cet ouvrage présente une série de cartes dressées par les habitantes de New Delhi. Chaque carte indique les facteurs qui contribuent à renforcer ou à diminuer leurs sentiments de sécurité en ville. Ces cartes reposent sur l’idée que se font les femmes de  leur espace physique et contiennent des informations recueillies par les précédents audits sur la sécurité des femmes. Y sont indiqués tous les lieux de marchés, les quartiers résidentiels, les lieux de passage et les campus universitaires. Les cartes utilisent par ailleurs des symboles pour indiquer les différentes utilisations des terrains, les différents types de commerce et d’administration publique qui s’y trouvent, les lieux sombres, les lieux sales et non pavés, les toilettes, les guichets automatiques de banque, etc. Les cartes servent à illustrer le rapport qui existe clairement entre les quartiers urbains peu sûrs et les espaces communément occupés par les femmes. Disponible en contactant JAGORI.

Ressources:

« Mapping » Activity [Activité « Cartographie »] (1998).  Cet exercice est décrit aux pages 13-16 de Making Safer Places : A Resource Book for Neighbourhood Safety Audits [Sécuriser les lieux : Manuel d’outils d’audits sur la  sécurité des quartiers] par Sue Cavanagh. Le manuel offre des conseils sur la manière d’utiliser les cartes, d’établir des cartes mentales, de lire les plans et d’utiliser les modèles. Disponible à l’achat en anglais.

Community Mapping: A How-to Handbook for Grassroots Women’s Organizations [Cartographie communautaire : Guide pratique pour les organisations féminines de base]. (Commission Huairou, 2007). Ce guide s’adresse aux groupes féminins communautaires pour les aider à évaluer les besoins des communautés, en collaborant notamment avec ces dernières à l’établissement de cartes, à la réalisation d’enquêtes, à l’organisation de groupes de discussion et à la réalisation d’entretiens sur des préoccupations communes. Les exemples cités concernent surtout la disponibilité de services de base, comme l’installation de systèmes d’assainissement et l’attribution de logements. Dans certaines villes ou communautés, cela peut constituer une bonne première étape pour mesurer le degré d’insécurité des femmes (absence d’abris, par exemple). Dans d’autres, en revanche, où les prestations de services de base ne posent pas problème, les groupes de femmes peuvent adapter l’approche cartographique locale pour exprimer des préoccupations plus explicitement liées à la sécurité, comme celles concernant la violence publique. Disponible en anglais.

 Utilisez les informations disponibles pour établir de nouveaux liens entre la violence à l’égard des femmes et les caractéristiques de l’espace public.

De nombreuses collectivités détiennent une grande quantité de données sur les espaces publics et la violence (différentes formes de violence, auteurs et victimes de la violence, où et quand cette violence se produit). Toutefois, ces données ne sont normalement pas collectées dans le but d’expliciter les liens entre les espaces publics et la violence à l’égard des femmes. Les partenaires des programmes pourront collaborer avec les urbanistes et les architectes pour analyser les informations déjà existantes sur la question afin d’explorer ces liens. À l’évidence, les études consacrées aux aspects sexospécifiques et spatiaux de la violence constituent une source inestimable en matière de planification et d’aménagement urbain. Toutefois, la relative rareté de ce type d’étude devra inciter les urbanistes à se montrer souples et créatifs quant aux données consultées.

Exemple : Una Aproximación a la Violencia hacia las Mujeres en los Guetos Urbanos, Santiago, Chili (2008) [Approche de la violence à l’égard des femmes dans les ghettos urbains, Santiago (Chili)] (2008).

Dans cet exemple deux cartes de Santiago sont superposées. La première indique les emplacements des logements sociaux (construits entre 1980 et 2001) et la deuxième les lieux où des crimes ont été rapportés en 2004. La comparaison des deux cartes permet d’établir un rapprochement entre la présence de logements sociaux et la violence urbaine, en particulier la violence à l’égard des femmes. (Rodríguez, Rodríguez, Saborido et Salas; 2008). Étude disponible en espagnol

 


Légende : Emplacements des logements sociaux et concentrations de plaintes pour violence intrafamiliale. Cette carte illustre la superposition de données géo référencées correspondant aux emplacements des logements sociaux construits entre 1980 et 2001 à Santiago (Chili) et aux concentrations de plaintes pour violence intrafamiliale en 2004 archivées par le Ministère de l’Intérieur. Source : SitoSur.

Consultez différentes catégories de femmes et d’acteurs lors des processus de planification et d’aménagement des espaces publics.

De même que les hommes et les femmes ressentent l’espace différemment, les femmes et les filles n’ont pas toutes des expériences identiques de la cité. Les femmes appartenant à divers groupes sont exposées à des dangers différents, en fonction d’un certain nombre de facteurs qui se chevauchent et qui les rendent vulnérables. Par exemple, les espaces publics comportent divers obstacles qui n’entravent que le déplacement des femmes handicapées. Mais plutôt que d’aborder le problème de l’accessibilité sous l’angle purement médical, les partenaires des programmes peuvent l’étudier comme un problème d’intégration. Sous cet angle, les urbanistes et autres responsables de l’aménagement urbain pourront identifier les facteurs environnementaux qui s’opposent à l’intégration des femmes handicapées dans la vie urbaine. Plus concrètement, ils pourront réaffirmer l’importance des principes d’aménagement urbain universels qui traitent l’accessibilité à la ville comme un droit normal plutôt qu’un privilège (Haniff-Cleofas et Khedr, 2005).

Les processus de planification et d’aménagement urbain doivent tenir compte de nombreux besoins et intérêts et déboucher sur des solutions sécuritaires satisfaisantes pour tous. De ce fait, l’aménagement participatif des espaces publics peut permettra aux différents groupes de femmes d’exprimer leurs besoins et attentes en fonction, par exemple, de leur âge, de leur niveau de compétences, de leur degré de mobilité, de leur préférence sexuelle, de leurs opinions politiques, de leur origine ethnique et de leur situation socioéconomique. Contrairement à l’aménagement d’espaces publics à l’usage d’une seule catégorie de femmes, le modèle participatif permet de représenter toute une gamme de besoins et de conceptions exprimées par les femmes dans toute leur diversité (Segovia, 2008). L’approche participative et inclusive de l’aménagement de villes sûres passe par la consultation de groupes divers.

 

Étude de cas : L’Observatoire de la violence sexiste urbaine (Santiago, Chili, 2007).

Cet observatoire a été établi par la SUR Corporación de Estudios Sociales y Educación (Organisme SUR d’études sociales et d’éducation) dans le cadre du Programme régional d’UNIFEM « Villes sans violence à l’égard des femmes, villes sûres pour tous », exécuté par le Réseau Femmes et Habitat de l’Amérique latine et des Caraïbes. Le comité directeur de l’Observatoire est composé de représentants de trois organisations non gouvernementales : le Centro de Estudios para el Desarrollo de la Mujer - CEDEM [Centre d’études pour le développement de la femme], Cordillera et la SUR. L’Observatoire est un centre d’échanges, de débats et d’analyse d’expériences urbaines, menés par différents acteurs à différents niveaux. Les débats portent sur des sujets comme la parité des sexes, la violence et l’espace urbain, une attention particulière étant accordée à la violence à l’égard des femmes.

Les activités prioritaires de l’Observatoire ont pour objectif :

  • D’encourager les débats entre des acteurs d’horizons différents (société civile, fonction publique, etc.)
  • De sensibiliser et de faciliter les échanges sur ces questions par l’intermédiaire d’outils et de matériel pédagogiques (publications, concours d’éditoriaux, ateliers, recherche);
  • De relier les activités de l’Observatoire à l’élaboration de méthodologies participatives d’action sociale contre la violence à l’égard des femmes dans les zones urbaines et les quartiers de l’Amérique latine.

L’approche utilisée par l’Observatoire privilégie le concept de la « vie communautaire » harmonieuse aux dépens de vies individuelles distinctes nécessitant des mesures de sécurité renforcées. Les débats utilisant cette approche devront s’efforcer de répondre aux questions suivantes :

  • Comment combattre toutes les formes de violence qui touchent de manière différente les femmes et les hommes et qui causent l’inégalité des chances en matière de développement et d’intégration ?
  • Comment encourager la coexistence démocratique dans les zones de peuplement pauvres ?
  • Est-il possible de réaménager les quartiers pauvres ?

De plus amples renseignements sur l’Observatoire de la violence sexiste sont disponibles en espagnol

 

Étude de cas : Colectiva Lesbica Feministas Mafalda
[Collectif lesbien et féministe Mafalda] (Chili)

Le Collectif Mafalda, ayant son siège à Concepción (Chili), est une organisation qui vise à sensibiliser au problème de l’invisibilité des femmes lesbiennes en milieu urbain traditionnel, ce qui contribue à ce que les actes violents commis envers celles-ci ne sont pas considérés comme des infractions passibles de sanctions. Par exemple, la législation sur la violence intrafamiliale n’inclut pas les victimes de la violence au sein de couples de lesbiennes. De ce fait, les lesbiennes victimes de la violence perpétrée par leur partenaire n’ont aucun recours en justice. S’agissant des autres formes de violence subie par les lesbiennes, le Collectif Mafalda dénonce la « lesbophobie »  comme une forme de violence hétéro-normative qui est souvent ignorée. Des informations supplémentaires sur la question sont disponibles sur le blog de l’organisation en espagnol.

Étude de cas : Musique sur la sécurité des femmes, New Delhi (Inde).

JAGORI, organisation de femmes ayant son siège à New Delhi (Inde), a publié plusieurs recueils de chansons et produit des cassettes, en se fondant sur la conviction que la musique fait partie intégrante de la vie quotidienne des femmes et constitue un vecteur de communication de sentiments non exprimés et réprimés. En regroupant ces chansons et ces airs dans des recueils de musique et sur des cassettes, JAGORI a contribué à leur promotion dans toutes les régions du pays. De nombreuses compositions sont inspirées du combat du mouvement des femmes en Inde et d’autres catégories sociales. Cette approche peut être adaptée au problème du harcèlement sexuel et à d’autres formes de violence à l’égard des femmes dans les espaces publics. Le matériel est disponible auprès de JAGORI.

Ressources :

Mujeres transformando los espacios publicos [Femmes qui transforment les espaces publics]. Rosario (Argentine), 2009. Ce documentaire vidéo a été produit dans le cadre du programme régional d’UNIFEM et de l’AECID « Villes sans violence à l’égard des femmes, villes sûres pour tous », exécuté par le Réseau Femmes et Habitat de l’Amérique latine.  Ce documentaire relate les expériences des femmes du district Ouest de la ville de Rosario et leurs efforts visant à affirmer leur droit aux espaces publics dans leur communauté.  Il présente en particulier plusieurs actions transformatrices et l’instrument mis en œuvre par les femmes ainsi que des propositions et des activités concrètes entreprises par le biais d’une gestion participative avec les pouvoirs publics locaux. Disponible en espagnol.

«  What to Do About Women’s Safety in Parks » [Que faire pour la sécurité des femmes dans les parcs]. (Women’s Design Service, Royaume-Uni, sans date). Ce manuel expose en détail les conclusions de groupes de réflexion féminins et d’audits en matière de sécurité des femmes relatives aux parcs et aux espaces verts. Des groupes de femmes variés ont participé au processus d’analyse, notamment des femmes porteuses de différents handicaps physiques et d’origines ethniques diverses. Le manuel résume les problèmes et passe en revue les facteurs qui contribuent à renforcer la sécurité ou le sentiment de sécurité des femmes dans les parcs. Il contient une liste extrêmement utile de conseils pratiques indiquant « Que faire… » sur des sujets comme « Que faire au sujet de l’éclairage » et « Que faire au sujet des jeunes ». Disponible à l’achat en anglais.

Exploitez les données qualitatives comme une source d’information utile sur les espaces publics. Les données qualitatives sont des informations qui reposent sur le vécu plutôt que sur des faits scientifiques. Elles comprennent les récits, les chansons, les poèmes, les entretiens, les lettres, les débats communautaires, les groupes de réflexion et les enquêtes sur les sentiments de la communauté, les connaissances, les attitudes et les pratiques (concernant, par exemple, la violence et le harcèlement sexuel à l’égard des femmes dans les lieux publics), ainsi que les conclusions tirées des audits en matière de sécurité et des méthodologies connexes. Normalement, les fichiers et la documentation réunis sur les expériences des femmes des lieux publics et de la sécurité sont considérés comme des données qualitatives. Les informations de cette nature sont essentielles à la planification et à l’aménagement d’un environnement urbain plus sécuritaire car elles reflètent les connaissances personnelles des femmes sur leur milieu urbain. Les urbanistes et autres décideurs devraient s’appuyer en priorité sur les données qualitatives pour décider si les lieux publics sont sûrs et accessibles aux femmes.

Pour des renseignements et outils supplémentaires sur les données qualitatives (et quantitatives), consulter la section Suivi et évaluation de la section Programmation de base [Programming Essentials] du présent site.