Mariages forcés de femmes et filles immigrées

Dernière modification: January 28, 2011

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  • La législation doit également traiter du cas des mariages forcés de femmes et de filles immigrées. Il est essentiel qu’elle fasse la distinction entre mariage de complaisance et mariage forcé : dans le premier cas, les parties sont présumées consentir au mariage en vue de lever des obstacles à l’immigration, tandis que le second cas implique une victime non consentante. Le fait d’assimiler les deux situations risque d’empêcher l’identification des victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants, leur protection et l’aide à ces victimes. En même temps, les États doivent trouver le juste équilibre entre le droit au regroupement familial et la nécessité de prévenir les mariages forcés. Voir la Convention sur les travailleurs migrants et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. La Directive 2003/86/EC du Conseil de l'Union européenne relative au droit au regroupement familial fournit des indications à ce sujet et recommande aux États membres de fixer un âge minimal pour le regroupant et son conjoint, ne pouvant être supérieur à 21 ans, avant que le conjoint puisse rejoindre le regroupant (art. 4.5).

 

Exemple : la Loi belge relative aux mariages de complaisance (1999) oblige les officiers d’état civil à dresser acte d’une déclaration de mariage et à le notifier au procureur lorsqu’il a des doutes sur le consentement des parties à se marier ou sur leur intention de former une communauté de vie durable. L’officier d’état civil doit produire un ensemble d’éléments créant une suspicion légitime, par exemple des aveux ou des témoignages. L’existence avérée d’une relation sexuelle constitue un facteur mais non un élément probant. Il est important que toute loi visant à interdire les mariages de complaisance ne pénalise pas les victimes potentielles d’un mariage forcé. Les lois de ce type doivent prévoir des structures d’assistance auxquelles les victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants peuvent demander une aide. De même, les lois qui imposent une cohabitation doivent prendre en compte les situations de violence familiale empêchant les conjoints d’avoir la même résidence. Par exemple, l’article 108 du Code civil français n’oblige pas les époux à avoir le même domicile pour satisfaire le critère de communauté de vie. Outre les dispositions contre les mariages de complaisance, la Belgique a érigé en infraction le mariage forcé, qui est passible d’une peine d’un mois à deux ans d’emprisonnement ou d’une amende de 500 à 2 500 euros maximum. La tentative de mariage forcé est punie de 15 jours à un an d’emprisonnement ou d’une amende de 250 à 1 250 euros

 

  • Le législateur doit revoir et amender les lois sur l’immigration et l’action sociale afin de protéger les victimes de mariages forcés et de mariages d’enfants. La législation doit garantir que les victimes de violences envers les femmes ne soient pas expulsées ou soumises à d’autres mesures punitives au regard de l’immigration lorsqu’elles signalent des violences à la police. Les lois doivent également permettre aux immigrées victimes de violence de demander et d’obtenir un permis de séjour sans que leur agresseur y soit associé ou en soit informé. Voir le Manuel ONU, p. 36. Certaines lois sur l’immigration accordent des visas aux victimes afin de pouvoir enquêter sur les délits et poursuivre leurs auteurs. Ces lois devraient donner la priorité aux besoins de protection et de services des victimes, au lieu de s’intéresser d’abord à leur qualité de témoins dans des actions judiciaires. Ces visas devraient donner aux victimes accès aux aides publiques, leur conférer un permis de travail et faciliter le regroupement familial pour les demandeurs de visa dont les demandes sont susceptibles d’être retardées par les enquêtes et poursuites en cours.
  • Le législateur doit aussi revoir les lois qui limitent ou interdisent l’accès des femmes immigrées, en particulier des victimes de maltraitance familiale, aux aides publiques. Il doit revoir les réglementations sur l’assistance financière, par exemple celles qui prévoient que les organismes d’aide doivent signaler la situation des demandeurs au regard de l’immigration, ce qui peut faire hésiter les femmes et les filles victimes d’un mariage forcé à solliciter une aide. Le législateur doit également supprimer les restrictions financières qui empêchent les organismes d’aide juridique d’aider les immigrés sans-papiers victimes de mariages forcés, envisager de faire bénéficier ces victimes des aides publiques, et définir clairement les aides publiques qu’un immigré peut recevoir sans craindre des conséquences négatives au regard de l’immigration. Les victimes de mariages forcés peuvent aussi avoir besoin de soins médicaux, qui permettraient d’identifier le problème et de soigner les éventuelles blessures. Le législateur doit amender les lois existantes ou adopter de nouvelles lois pour autoriser les immigrés victimes de mariages forcés à bénéficier d’une assistance médicale générale. Voir : La réponse de l’État aux violences familiales subies par les femmes réfugiées ou immigrées dans la métropole de Minneapolis/St. Paul (2004, en anglais). Voir aussi : Anitha Sundari, « Neither Safety Nor Justice: The UK government response to domestic violence against immigrant women » (Ni sécurité, ni justice : la réponse du gouvernement britannique aux violences familiales commises contre les femmes immigrées), 20 Journal of Social Welfare & Family Law 189 (2008).

 

ÉTUDE DE CAS : aux États-Unis, les femmes et les enfants immigrés victimes de violence peuvent avoir accès à certaines aides publiques. Les immigrés sans papiers peuvent aussi bénéficier d’une assistance s’ils ont déposé une demande aux services de l’immigration et qu’ils peuvent prouver un « lien substantiel » entre les violences et leur besoin d’aide publique. Les femmes et enfants immigrés peuvent bénéficier d’aides publiques s’ils ont été battus ou soumis à des traitements d’une extrême cruauté par leur conjoint ou l’un de leurs parents citoyen des États-Unis ou résident permanent, ou si leurs enfants ont été battus ou soumis à de graves sévices par un parent citoyen des États-Unis ou résident permanent. Dans les deux cas, le demandeur doit avoir un dossier VAWA (Loi relative à la violence envers les femmes) ou de regroupement familial en cours ou accepté par les Services de la nationalité et de l’immigration des États-Unis. Un dossier VAWA peut permettre à une victime de violence d’obtenir un permis de séjour. Voir :  Legal Momentum, Accès aux aides publiques des femmes et des enfants immigrés victimes de violence (en anglais). Voir aussi le module sur la violence familiale.

 

Droits des immigrés victimes de mariages forcés

  • La législation doit prévoir la production d’outils de communication expliquant les conditions à remplir, les lois et les services dans différentes langues et sous différents formats à l’intention des populations immigrées. À titre d’exemple, le Service des mariages forcés (UFM) du Royaume-Uni a élaboré un certain nombre d’outils d’information du public (en anglais), notamment une brochure et un film sur le mariage forcé, des affiches indiquant les coordonnées de l’UFM, une brochure sur les ordonnances de protection contre les mariages forcés, un guide pour les victimes, et des brochures et des affiches ciblant les jeunes et les enseignants.

Voir la section sur les droits des victimes.

Pratique encourageante : au Royaume-Uni, le Service des mariages forcés (UFM) (en anglais) intervient et aide les victimes de mariages forcés. Son site Internet est aussi disponible en arabe et en urdu. Par ailleurs, une fiche d’information (en anglais) publiée par les services judiciaires britanniques explique la procédure à suivre pour obtenir une ordonnance de protection et est disponible dans plusieurs langues.

En plus de veiller à ce que les victimes de mariages forcés ne soient pas pénalisées au regard de l’immigration, le législateur doit réfléchir à la loi applicable aux femmes et aux filles immigrées victimes de mariages forcés. Il a le choix entre trois solutions : appliquer les lois du pays de résidence, appliquer les lois du pays de nationalité de l’un des conjoints (souvent celui où le mariage forcé a eu lieu), ou permettre à la conjointe de choisir entre les lois du pays de sa propre nationalité ou celles du pays de résidence. En fonction du contexte, choisir les lois du pays de résidence peut mieux protéger les droits fondamentaux des femmes, car il est possible que la législation du pays où le mariage forcé a eu lieu autorise cette pratique et soit donc discriminatoire envers les femmes. Le législateur peut suivre les recommandations du Conseil de l’Europe (en anglais) qui donnent la priorité aux lois du pays de résidence afin de prévenir les discriminations envers les femmes du fait de leur situation (p. 58).

Exemple: en Estonie, le Code civil (1996, en anglais) applique à la fois les lois du pays de résidence et celles du pays où le mariage a eu lieu. L’article 143(1) dispose que les conditions du mariage doivent être déterminées par les lois du pays de résidence du futur conjoint. En ce qui concerne le contrat de mariage, l’article 143(2) applique les lois du pays où le mariage est contracté. L’Estonie reconnaît tout mariage contracté dans un autre pays ou dans une représentation étrangère en Estonie sous réserve du respect des dispositions des articles 143(1) et 143(2) ou des lois du pays de nationalité du conjoint