Le droit international relatif aux droits de l’homme et les mutilations génitales féminines

Dernière modification: February 25, 2011

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Les différentes catégories des droits et des devoirs fondamentaux de la personne

Les MGF constituent une violation des droits fondamentaux des femmes, tels qu'ils sont reconnus dans de nombreux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme. Si les plus anciens des instruments relatifs aux droits de l’homme ne font pas spécifiquement référence aux MGF, ils fondent le droit des femmes à ne pas être soumises à la violence sous ses diverses formes, y compris les MGF. Outre les instruments relatifs aux droits de l’homme spécifiques présentés plus loin, il existe une interprétation de plus en plus admise selon laquelle la pratique des MGF porte atteinte à des catégories plus vastes de droits reconnus, dans lesquelles ces instruments peuvent s’intégrer. Voir : Female Genital Mutilation: A Guide to Laws and Policies Worldwide, chapitre 2, pour une analyse détaillée de la question.

 

  • Le droit des femmes à ne subir aucune forme de discrimination

L’article 1 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) de 1979 donne une définition large de ce type de discrimination, constituée par :

« toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. »

La pratique des MGF répond à la définition de la discrimination à l’égard des femmes formulée par divers instruments relatifs aux droits de l'homme, puisqu’elle s’applique exclusivement à des femmes et à des filles et qu’elle a pour effet de les empêcher de jouir pleinement de leurs droits fondamentaux. Les MGF entraînent en outre chez les victimes un préjudice physique et moral à court et à long terme et perpétuent la notion fondamentalement discriminatoire selon laquelle les femmes sont condamnées à jouer un rôle subalterne. L'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe… ».

 

La pratique des MGF est souvent une coutume profondément ancrée dans les usages et, dans les zones où elle est prescrite ou prédominante, de fortes pressions sont exercées pour pousser les femmes et les filles à s’y soumettre. C’est fréquemment une condition préalable au mariage et un passage obligé pour que la personne soit considérée comme membre à part entière de la société. Les gouvernements qui mettent en place des lois interdisant les MGF doivent être conscients du fait qu'une femme qui ne subit pas cette pratique peut aussi se retrouver victime d’autres formes de discrimination, placée au ban de la société ou dans l'impossibilité de se marier. Les pouvoirs publics doivent par conséquent tenir également compte de certaines questions plus vastes : situation des femmes dans la famille et dans l'économie, accès à l'enseignement et aux services de santé, et normes et coutumes sociales sur lesquelles s’appuie la pratique des MGF.

 

  • Le droit à la vie et à l’intégrité physique, y compris le droit de ne pas être exposé à la violence

Le droit à l’intégrité physique comprend le droit de ne pas être soumis à la torture, le droit à la dignité inhérente à la personne humaine, le droit à la liberté et à la sécurité et le droit à la vie privée. Cette catégorie de droits est garantie par plusieurs instruments relatifs aux droits de l’homme, dont : la Déclaration universelle des droits de l’homme (articles 1 et 3) ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (préambule) ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (préambule et article 9(1)) ; et la Convention relative aux droits de l’enfant (article 19). Les MGF infligent un grave préjudice physique et psychologique, qui peut parfois s'avérer mortel. Elles constituent donc une atteinte au droit des femmes à l’intégrité physique, à la vie privée et à ne pas être soumises à la violence.

 

  • Le droit à la santé

Dans la mesure où les MGF peuvent entraîner de graves séquelles physiques et psychologiques et où elles constituent un acte invasif infligé à des tissus sains, sans la moindre nécessité médicale, elles représentent également une violation du droit à la santé. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît le droit qu'a toute personne « de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre ». L’Organisation mondiale de la santé considère que la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire (Égypte), abordant la question de la santé en matière de reproduction, parle en son paragraphe 7.2 de « la santé en matière de sexualité qui vise à améliorer la qualité de la vie et des relations interpersonnelles ». Qui plus est, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dans sa Recommandation générale n°24 (20e session, 1999) a spécifiquement recommandé aux États d’élaborer des politiques de santé qui prennent en compte les besoins des fillettes et des adolescentes exposées à des pratiques traditionnelles telles que les MGF.

 

  • Les droits de l'enfant

Les MGF affectant pour l’essentiel des jeunes filles de moins de 18 ans, cette question relève fondamentalement de la protection des droits de l’enfant. Or, la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, si elle reconnaît le rôle des parents et de la famille en la matière, ainsi que leur droit de décider pour l’enfant, dispose que, en dernier ressort, l'État est responsable de la protection des droits de celui-ci (article 5). Cette Convention établit également, en son article 3, la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant » lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits de ce dernier. Les MGF sont considérées comme allant à l'encontre de cet intérêt et comme constituant donc une violation des droits de l’enfant. La Convention charge les États parties d’abolir « les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants » (article 24(3)). Dans ses observations finales sur le Togo (Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Togo (1997) (en anglais)), le Comité des droits de l’enfant invite les gouvernements à adopter des lois abolissant la pratique des MGF, considérée comme une violation des droits de l’enfant.

De nombreux instruments ne se bornent pas à constater que les MGF portent atteinte à ces droits fondamentaux : ils affirment également que les États ont le devoir d'en interdire la pratique et de protéger les femmes et les filles qui y sont exposées. Pour s’acquitter de ce devoir, les États doivent adopter des lois en ce sens et mettre en œuvre d’autres méthodes d’éducation sociale et culturelle. Il convient d'adopter des lois couvrant tant les droits fondamentaux concernés que les devoirs de l’État en matière de lutte contre les MGF :

  • devoir de modifier les coutumes discriminatoires à l’égard des femmes,
  • devoir d’abolir les pratiques préjudiciables aux enfants,
  • devoir d’assurer soins de santé et accès à l’information en matière de santé,
  • devoir d’assurer un ordre social dans lequel les personnes peuvent jouir de leurs droits fondamentaux.

Voir : Female Genital Mutilation: A Guide to Laws and Policies Worldwide, chapitre 3, pour une analyse détaillée de la question.

 

Instruments spécifiques relatifs aux droits de l’homme

Des instruments plus récents relatifs aux droits de l’homme font explicitement référence aux MGF, les qualifiant d'acte de violence envers les femmes et exigeant des États parties qu'ils interdisent cette pratique. Plusieurs exemples figurent ci-après.  

Instruments internationaux

  • La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) confère un fondement général à la protection des femmes contre la pratique des MGF. Elle dispose notamment en son article 3 que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Il est dit en outre à l’article 5 que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’article 7 précise que « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi ». L’article 8 dispose que « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi ». L’article 12 garantit le droit à la vie privée de tout individu, tandis que l'article 25 traite de la maternité et de l'enfance. Plus généralement, l'article 28 de ce texte précise que « toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet ».
  • De même, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (1966) prohibe toute discrimination en fonction du sexe et demande aux États parties, en son article 2, de « garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile ». Le PIDCP protège en outre les individus des « traitements cruels, inhumains ou dégradants » et de toute ingérence arbitraire ou illégale dans leur vie privée (articles 7 et 17). Le PIDCP indique par ailleurs que « tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne » (article 9) et que « tout enfant […] a droit, de la part de sa famille, de la société et de l’État, aux mesures de protection qu’exige sa condition de mineur » (article 24).
  • Le préambule du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1976) reconnaît que les droits de l’homme « découlent de la dignité inhérente à la personne humaine ». Son article 3 dispose que les États parties « s’engagent à assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels qui sont énumérés dans le présent Pacte ». Il garantit, dans son article 12, « le droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint ».

« toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. » (Article 1).

Sans être mentionnée de manière explicite, la pratique des MGF correspond à la définition de la discrimination à l'égard des femmes telle qu'elle est donnée par la CEDAW.

Il s’agit en effet d’une pratique qui touche exclusivement les femmes et les jeunes filles et qui a pour effet de « détruire la jouissance de droits fondamentaux ». (Female Genital Mutilation: A Guide to Laws and Policies Worldwide). Quels que soient les arguments, culturels ou religieux, communément invoqués pour tenter d'en justifier la pratique, les MGF entraînent indéniablement chez les victimes un préjudice physique et psychique immédiat et durable et perpétuent la notion fondamentalement discriminatoire selon laquelle les femmes sont vouées à jouer un rôle subalterne.

 

Les États parties à la CEDAW doivent éliminer la discrimination, et notamment :

(a) Inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe de l'égalité des hommes et des femmes, si ce n'est déjà fait, et assurer par voie de législation ou par d'autres moyens appropriés l'application effective dudit principe ;

(b) Adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard des femmes ;

(c) Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire ;

(d) S'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation ;

(e) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque ;

(f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes ;

(g) Abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes. (Article 2).

  • Les États parties à la CEDAW sont par ailleurs tenus de « modifier les schémas et modèles de comportement socio-culturel de l'homme et de la femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutumières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de la supériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et des femmes » (Article 5).
  • Le fait que les MGF constituent bien une forme de discrimination sexiste, telle que définie par la CEDAW, est confirmé par les Recommandations générales n°14, 19 et 24 du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Ces recommandations soulignent que les femmes et les fillettes qui se voient infliger des MGF subissent de graves conséquences, entre autres sur le plan de la santé, indiquent que cette pratique constitue une forme de violence contre les femmes, et invitent les États parties à prendre des mesures pour l'éliminer. Voir plus loin : Comités de suivi des traités de l’ONU.
  • La Convention relative aux droits de l’enfant de 1989 désigne l’État comme responsable en dernier recours du respect des droits de l’enfant. Cette Convention établit, en son article 3, la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant », qui doit guider toute décision en la matière.

Elle protège en son article 16 le droit de l’enfant à la vie privée.

L’article 19(1) impose aux États parties de prendre « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales […] pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié ». L’article 19(2) les invite en outre à établir des « programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d'autres formes de prévention, et aux fins d'identification, de rapport, de renvoi, d'enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l'enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu'il conviendra, des procédures d'intervention judiciaire ».

L’article 24(3) dispose que les États prennent « toutes les mesures efficaces appropriées en vue d'abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants ».

Les rapports que le Comité des droits de l'enfant consacre aux pays dénoncent systématiquement les MGF comme constituant une pratique traditionnelle nocive, allant à l'encontre de l'intérêt supérieur de l’enfant, et appellent régulièrement à leur élimination. Voir : Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Éthiopie (1997), para. 6 ; Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Soudan (1993), para. 13 ; Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Togo (1997), para. 24.

 

Déclarations et résolutions

  • L’article 1 de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes (Assemblée générale des Nations Unies) définit ainsi ce type de violence : « tous actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ». L’article 2(a) identifie explicitement les MGF comme une forme de violence à l’égard des femmes.
  • Récemment, la Commission de la condition de la femme (site en anglais) a adopté une résolution intitulée Mettre fin à la mutilation génitale féminine. Elle constate dans ce texte que les MGF constituent une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, qui se traduit par un préjudice irréparable et qui constitue une menace grave pour la santé des femmes et des fillettes qui y sont exposées. Cette résolution recommande aux États des mesures spécifiques, sur plusieurs niveaux, destinées à éliminer les MGF. Elle appelle notamment les États à condamner cette pratique et à adopter et faire appliquer des lois l’interdisant, ainsi que des sanctions pour les contrevenants. En outre, dans cette résolution, la Commission :

13. Exhorte également les États à examiner et, s’il y a lieu, réviser, amender ou abroger toutes les lois, réglementations, politiques, pratiques et coutumes, en particulier la mutilation génitale féminine, qui sont discriminatoires ou ont des effets discriminatoires à l’encontre des femmes et des filles et à veiller à ce que les dispositions de leurs divers systèmes juridiques, s’ils en ont plusieurs, soient conformes aux obligations, engagements et principes internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le principe de la non-discrimination.

15. Engage les États à élaborer les politiques, les protocoles et les règles voulus pour assurer l’application effective des lois tendant à l’élimination de la discrimination et de la violence à l’encontre des femmes et des filles, en particulier la mutilation génitale féminine, et à établir des mécanismes de responsabilisation adéquats aux niveaux national et local pour s’assurer de l’application et du respect de ces lois.

Ce texte insiste par ailleurs sur la nécessité d’éduquer et de former les familles, les collectivités et les dirigeants religieux, ainsi que les membres de toutes les professions liées à la protection et à l’autonomisation des femmes et des filles, comme les prestataires de soins médicaux, les assistants sociaux, les policiers, le personnel judiciaire et les magistrats du parquet.

 

Niveau régional

  • La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples de 1981 aborde de manière générale la question de la protection des droits fondamentaux des femmes et des fillettes. Elle reconnaît, en ses articles 4 et 5, le droit au respect de la vie et à l'intégrité physique et morale de la personne, ainsi que, pour tout individu, « le droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». L’article 16 garantit le droit de toute personne « de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre ». L’article 18(3) exige des États qu'ils veillent « à l'élimination de toute discrimination contre la femme et [à] assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales ». L’article 28 souligne le devoir de chaque individu de considérer ses semblables sans discrimination aucune.
  • La Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'Enfant de 1990 reprend la norme établie par la Charte relative aux droits de l’enfant, disposant que « 1'intérêt de 1'enfant sera la considération primordiale » dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité (article 4(1)). Cette Charte garantit l’enfant contre toute discrimination et exige le respect de ses droits à la vie, à la protection, à la vie privée et à la santé physique et mentale (articles 3, 5(2), 10 et 14(1)).
  • Elle exige en outre des États membres de l'Organisation de l'unité africaine (aujourd’hui, Union africaine) qu'ils :

« prennent toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de 1'enfant, en particulier :

(a)   les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l'enfant ;

(b)   les coutumes et pratiques qui constituent une discrimination à l’égard de certains enfants, pour des raisons de sexe ou autres raisons. » Article 21(1).

 

  • Plus récent, le Protocole relatif à la Charte Africaine relatif aux Droits de la Femme en Afrique (2003) (Protocole de Maputo) invite les États parties, en son article 4, à « adopter toutes autres mesures législatives, administratives, sociales, économiques et autres en vue de prévenir, de réprimer et d’éradiquer toutes formes de violence à l’égard des femmes ». Ce document demande en outre de façon spécifique aux États parties d’interdire et d’éliminer les pratiques néfastes, précisant que les MGF en font partie :

Article 5 : Élimination des pratiques néfastes

Les États interdisent et condamnent toutes les formes de pratiques néfastes qui affectent négativement les droits humains des femmes et qui sont contraires aux normes internationales. Les États prennent toutes les mesures législatives et autres mesures afin d’éradiquer ces pratiques et notamment :

    • sensibiliser tous les secteurs de la société sur les pratiques néfastes par des campagnes et programmes d’information, d’éducation formelle et informelle et de communication ;
     
    • interdire par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de mutilation génitale féminine, la scarification, la médicalisation et la para-médicalisation des mutilations génitales féminines et toutes les autres pratiques néfastes ;
     
    • apporter le soutien nécessaire aux victimes des pratiques néfastes en leur assurant les services de base, tels que les services de santé, l’assistance juridique et judiciaire, les conseils, l’encadrement adéquat ainsi que la formation professionnelle pour leur permettre de se prendre en charge ;
     
    • protéger les femmes qui courent le risque de subir les pratiques néfastes ou toutes autres formes de violence, d’abus et d’intolérance.

 

  • La Déclaration du Caire pour l’élimination des MGF (2003) appelle explicitement les gouvernements à reconnaître et à protéger les droits fondamentaux des femmes et des fillettes, conformément aux instruments relatifs aux droits de l'homme cités précédemment, et à mettre en œuvre des lois destinées à interdire les MGF, en en faisant une infraction pénale. Les signataires de ce texte disent reconnaître que « la prévention et l'élimination des MGF ne peuvent être menées à bien que par une approche intégrée favorisant un changement des comportements et utilisant les mesures législatives comme un instrument essentiel ». Il est notamment dit au paragraphe 1, que « l’interdiction des MGF devrait être intégrée à une législation plus large » prenant en compte, entre autres, « l’égalité entre les sexes, la protection contre toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et des enfants, la santé et les droits reproductifs des femmes, et les droits des enfants ». Il est précisé au paragraphe 2 de la Déclaration que « l’utilisation de la loi devrait être l’une des composantes de l’approche multidisciplinaire pour éliminer la pratique des MGF ».
    • l’application effective de la déclaration d’Addis-Abeba par l’adoption des législations nationales réprimant les mutilations génitales féminines ;
    • la ratification de toutes les conventions et recommandations de l’ONU et de l’OIT relatives aux droits de la femme et particulièrement, la Convention de l’ONU sur l’élimination des toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ;
    • la création des réseaux nationaux de leaders religieux et coutumiers ainsi que des réseaux de communicateurs modernes et traditionnels dans la perspective de la constitution de réseaux sous-régionaux ;
    • l'institutionnalisation d’un mécanisme de collaboration et de soutien aux Comités nationaux CI-AF [Comité inter-africain sur les pratiques traditionnelles, site en anglais] par, entre autres : les parlementaires, les juristes, les communicateurs, les forces de l’ordre et les professionnels de la santé ;
    • la mise en place d’un dispositif de surveillance du flux migratoire des exciseuses et des exciseurs ;
    • la mise en place d’un mécanisme sous-régional de suivi en collaboration avec les Comités nationaux du CIAF au sein de l’espace UEMOA.

 

  • La Résolution 1247 du Conseil de l’Europe sur les Mutilations génitales féminines (2001) invite les États membres à mettre en place « une législation spécifique qui interdise les mutilations sexuelles et les reconnaisse comme étant une violation des droits de la personne humaine et une atteinte à son intégrité », et à poursuivre les auteurs « y compris les parents et le personnel de santé, sur la base d’une incrimination pour violence entraînant une mutilation, y compris pour celles pratiquées à l’étranger ». Cette Résolution demande également aux États membres d’adopter des mesures plus souples pour accorder le droit d’asile aux mères et à leurs enfants qui craignent de subir ce genre de pratique, et de permettre aux victimes de saisir la justice à leur majorité.
  • La Résolution du Parlement européen sur les mutilations génitales féminines (A5-0285/2001) de 2001 condamne elle aussi les MGF, qualifiées de « violation des droits humains fondamentaux », et prie instamment les États membres d’appliquer une législation interdisant de manière spécifique cette pratique et de mener des programmes éducatifs et des campagnes publicitaires destinés à dénoncer son caractère nocif. En outre, cette Résolution :
  •  
    • invite le Conseil, la Commission et les États membres à réaliser une enquête approfondie afin de déterminer la portée de ce phénomène dans les États membres ;
    • invite la Commission à élaborer une approche stratégique intégrale en vue d'éliminer la pratique des mutilations génitales féminines dans l'Union européenne qui doit aller au-delà de la simple dénonciation de ces actes et à établir des mécanismes juridiques et administratifs, mais également préventifs, éducatifs et sociaux, permettant aux femmes victimes et en situation de l'être d'obtenir une véritable protection.

 

  • Les États membres sont engagés à considérer « toute mutilation génitale féminine comme un délit », qu'il y ait eu ou non consentement de la femme concernée, et même si le délit a été commis à l'extérieur de leurs frontières. Cette Résolution incite en outre les États à prendre des mesures préventives, et notamment :
    • des mesures législatives donnant la possibilité aux juges ou aux procureurs d'adopter des mesures de précaution et préventives lorsqu'ils ont connaissance de cas de femmes ou de petites filles courant des risques de mutilation,
    • des mesures administratives applicables aux centres de santé et aux professions médicales, aux centres pédagogiques et aux assistants sociaux ainsi que des codes de conduite, ordonnances et codes déontologiques afin que les professionnels de la santé, les agents sociaux, les maîtres, professeurs et éducateurs dénoncent les cas dont ils ont connaissance ou les cas de risque qui nécessitent une protection,
    • une stratégie préventive d'action sociale destinée à protéger les mineures qui ne stigmatise pas les communautés immigrées.

 

 

Les comités de suivi des traités de l’ONU

Les comités de suivi des traités de l’ONU suivants ont fait des déclarations d’où il résulte qu’ils estiment que divers instruments relatifs aux droits de l’homme reconnaissent les MGF comme une atteinte à ces droits et une forme de violence contre les femmes. Eux aussi demandent que cessent les MGF.

o    Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dans sa Recommandation générale n°14 (9e session, 1990), qui recommande aux États parties de « prendre des mesures appropriées et efficaces aux fins d’abolir la pratique de l’excision » et donne divers exemples de mesures de ce type.

o    Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dans sa Recommandation générale n°19 (11e session, 1992).

o    Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dans sa Recommandation générale n°24 (20e session, 1999).

o    Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Togo (1997), para. 24.

o    Observations finales du Comité des droits de l'enfant : Éthiopie (1997), para. 6.

o    Conclusions du Comité des droits de l'enfant : Soudan (1993), para. 13.

o    Pacte international relatif aux droits civils et politiques : Observations finales du Comité des droits de l’homme : Soudan (2007), para. 15.

o    Comité des droits de l’homme, Observation générale n°28 : Égalité des droits entre hommes et femmes (article 3), para. 11.

 

Documents issus de conférences

  • La Déclaration et le Programme d'action de Vienne, adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme (1993) appellent les gouvernements à agir pour éliminer la pratique des MGF, aussi profondément ancrée soit-elle dans la culture et la religion. Ce texte les invite notamment à « venir à bout des contradictions qui peuvent exister entre les droits des femmes et les effets nuisibles de certaines pratiques traditionnelles ou coutumières, des préjugés culturels et de l'extrémisme religieux » Section II(B)(3)(para. 38). En outre, il « prie instamment les États d'abroger les lois et règlements en vigueur et d'éliminer les coutumes et pratiques qui sont discriminatoires et néfastes à l’endroit des filles » (para. 49).