Législation

Dans cette base de connaissances, en référence à certaines dispositions ou articles de la loi, dans un jugement ou aspects d'une pratique ne signifie pas que la loi, le jugement ou la pratique réputée en pleine un bon exemple ou une pratique prometteuse.

Certaines des lois mentionnés dans ce document peuvent contenir des dispositions autorisant la peine de mort. Tenant compte des résolutions 62/149, 63/168, 65/206 et 67/176 de l'Assemblée générale des Nations Unies, appelant à la mise en place d'un moratoire sur la peine de mort et son abolition définitive, la peine mort ne devrait pas être inclus dans les dispositions sur les peines pour les crimes de violence contre les femmes et les filles.

Autres Dispositions Relatives aux Lois sur la Violence Familiale Outils
Le harcèlement sexuel dans le sport Outils
Dispositions relatives à l’immigration Resources for developing legislation on sex trafficking of women and girls

Le fait d'ériger les pratiques néfastes en infraction pénale peut avoir un effet dissuasif non négligeable. Dans de nombreux pays où sévissent les pratiques analysées dans le présent module, celles-ci ne sont pas inscrites au Code pénal ou ne le sont que depuis peu.

Lors de la criminalisation des pratiques néfastes, il est important de prendre en compte les questions suivantes :

  • La force publique dispose-t-elle de ressources et de moyens suffisants pour mettre en œuvre les nouvelles lois pénales de façon adaptée ? Dans le cas contraire, comment est-il possible d'y remédier ?
  • Les lois coutumières soutiennent-elles cette législation ou sont-elles contradictoires ? En cas de contradiction, il convient de se référer au chapitre ci-dessus sur l’abrogation des dispositions contradictoires des lois coutumières et religieuses et de veiller à ce que la nouvelle législation fasse clairement état de la primauté des dispositions de la constitution ou du droit national.
  • Une campagne de sensibilisation a-t-elle été menée auprès de la population afin de lui faire prendre conscience des conséquences préjudiciables de ces pratiques, de la nécessité d'y renoncer et du fait qu'elles constitueront une infraction au titre des nouvelles lois ?
  • L’idée de permettre aux victimes d'engager des poursuites contre des membres de leur entourage susceptibles de s'être rendus coupables de pratiques néfastes est-elle acceptée par la société ?
  • La mise en application d'une loi pénale affecterait-elle de façon disproportionnée et/ou isolerait-elle un groupe ethnique particulier ?
  • La manière dont la nouvelle infraction pénale sera mise en œuvre tiendra-t-elle compte de l'intérêt supérieur de la fillette ? Ce point est d'autant plus important que de nombreuses pratiques néfastes, comme les mutilations génitales féminines ou le « repassage » des seins, sont perpétrées par les parents de la victime ou par les personnes s'occupant de celle-ci, ou avec leur soutien, et que des sanctions pénales telles que de lourdes peines d'emprisonnement risqueraient de nuire considérablement à l'intérêt de l'enfant victime.
  • Il est possible d'ériger les pratiques néfastes en infraction par l’adoption d’une loi interdisant expressément ces pratiques, comme le Sénégal l'a fait pour les mutilations génitales féminines, ou en recourant à des dispositions générales du droit pénal qui sanctionnent diverses actions dont les pratiques néfastes, comme dans le cas de la France avec les mutilations génitales féminines. Les États retenant cette dernière option doivent tout particulièrement s'efforcer de sensibiliser l'opinion sur le fait que des pratiques jadis légales risquent désormais de donner lieu à des poursuites pénales.

    Dans tous les cas, la législation érigeant en infraction des pratiques préjudiciables spécifiques ne devrait être adoptée que dans le cadre d'une stratégie gouvernementale globale visant à modifier les usages locaux et les croyances individuelles qui sous-tendent ces pratiques si profondément enracinées.

    GénéralitésObservations générales relatives aux sanctions Définition claire des pratiques néfastes Extraterritorialité et extraditionCirconstances atténuantesConsentement

    Qu’une pratique préjudiciable soit érigée ou non en infraction, la législation s’y rapportant doit reposer sur une approche globale axée sur les droits fondamentaux de l’être humain. Elle doit veiller à ce que soient poursuivis en justice et sanctionnés les auteurs de pratiques néfastes, mais aussi intégrer « la prévention de la violence, le renforcement du pouvoir d’action, le soutien et la protection de la victime, ainsi que la mise en place de mécanismes assurant l’application effective de ses dispositions ». Voir : Bonnes pratiques législatives en matière de « pratiques néfastes » à l’égard des femmes (en anglais), rapport du Groupe d’experts des Nations Unies, reprenant le Rapport de la réunion du Groupe d'experts des Nations Unies sur les bonnes pratiques législatives en matière de violences contre les femmes (en anglais).

     

    Pour garantir, outre leur condamnation, la prévention des pratiques néfastes, la loi doit instaurer d’autres mesures de protection et voies de recours civiles.

    Généralités et Ordonnances de protectionProcès civils Interdiction de recourir aux mécanismes traditionnels de règlement des différends qui sont préjudiciablesRéparationDispositions relatives à la protection de l’enfanceLois relatives à l’immigration et à l’asile
    les services aux victimesSensibilisation et éducation du grand public Outils
    Dispositions relatives à la protection des enfants Resources on Forced and Child Marriage
    Définition claire et précise des mutilations gébitales féminines Outils
    Définition et formes de la maltraitance des veuves Autres dispositions relatives à la mal traitance des veuves Outils

    Les ordonnances de protection

    Le législateur doit prévoir la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les victimes de violences liées à la dot ou intégrer cette forme de violence dans un cadre relatif à la violence familiale permettant ce type de recours. De nombreux États ont prévu dans leur droit pénal et civil la possibilité de rendre des ordonnances de protection pour les plaignantes/survivantes d’actes de violence familiale. Dans le système pénal, une ordonnance de protection, ou injonction d’éloignement, peut offrir un recours similaire à l’ordonnance civile de protection. L’injonction d’éloignement peut être décidée dans le cadre d’une procédure pénale lorsqu’un auteur de violence est accusé d’une infraction pénale. (Voir par exemple la Loi du Minnesota, États-Unis, sur la violence familiale § 518B.01 (22) (1979, en anglais).)

     

    Pratique encourageante : en plus d’adopter une loi spécifique sur la dot, l’Inde a intégré les violences liées aux demandes de dot illégales dans sa définition de la violence familiale et offre la possibilité de rendre des ordonnances de protection. Voir http://www.apwld.org/pdf/India_ProtectionDVact05.pdf (en anglais). Au Pakistan, une précédente version du projet de loi sur la violence familiale classait les demandes de dot au rang des violences familiales en les définissant comme le fait de « harceler, maltraiter, blesser ou mettre en danger une personne dans l’objectif de la contraindre, ou de contraindre un de ses proches, à satisfaire une demande illégale de dot ou de tout autre bien ou valeur mobilière ». Voir : Les meilleures dispositions législatives pour combattre les pratiques néfastes contre les femmes au Pakistan (en anglais), p. 11 (note 22). Cependant, la dernière version de la loi pakistanaise sur la violence familiale (en anglais) ne fait plus référence aux demandes de dot. De son côté, la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000, en anglais) comprend des dispositions sur les assassinats liés à la dot, mais ne traite pas de la question des ordonnances de protection.  Le législateur doit inclure la violence et le harcèlement liés aux demandes de dot dans la définition de la violence familiale. Voir la section sur la définition des violences liées à la dot.

     

    Les ordonnances civiles de protection peuvent prendre la forme d’ordonnances d’urgence ou d’ordonnances sur requête (décision provisoire prise sans en référer à la partie adverse), valables pour un temps limité, ou d’ordonnances de protection pour une durée plus longue sur demande de la plaignante/survivante. Ces ordonnances de longue durée peuvent nécessiter une audience approfondie devant un juge en présence de la partie adverse. Adoptée il y a plus de 30 ans, la Loi du Minnesota sur la violence familiale, § 518B.01 (4) (1979, en anglais) a été l’une des premières lois au monde sur les ordonnances de protection. Cette forme de recours s’est avérée être l’une des plus efficaces dans les affaires de violence familiale. Voir : Les ordonnances de protection (en anglais), StopVAW, The Advocates for Human Rights. Les violences liées à la dot étant une forme de violence familiale, le législateur doit veiller à ce que les plaignantes/survivantes de ce type de violences puissent bénéficier d’une ordonnance de protection.

    Outre l’ordonnance de protection traditionnelle, le législateur doit envisager d’étendre les voies de recours ou d’en créer d’autres tenant compte des mécanismes spécifiques de la violence liée à la dot. Par exemple, la Loi indienne de 2005 permet de rendre des ordonnances de protection en cas de violence familiale et d’aliénation de biens, des ordonnances de résidence limitant l’utilisation du domicile conjugal par l’auteur de violences et ordonnant à ce dernier de fournir à la victime un autre logement, et des ordonnances de garde des enfants et d’indemnisation. Le législateur peut s’inspirer de l’article 19(1) de la loi indienne pour intégrer des dispositions relatives aux ordonnances de résidence dans une loi sur les violences liées à la dot. L’ordonnance de résidence doit permettre au juge : d’interdire au contrevenant d’exproprier la victime du domicile conjugal ou de l’en priver de toute autre manière, quel que soit le droit réel qu’il exerce sur ce domicile ; d’ordonner au contrevenant de quitter le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant ou à tout membre de sa famille de pénétrer dans le domicile conjugal où vit la victime ; d’interdire au contrevenant d’aliéner, d’hypothéquer ou de céder le domicile conjugal ; d’interdire au contrevenant de dénoncer ses obligations à l’égard de ce domicile ; ou d’ordonner au contrevenant de payer à la victime un logement comparable. La loi indienne autorise le magistrat à enjoindre au contrevenant « de rendre à la personne lésée sa dot ou tout autre bien ou valeur mobilière auquel elle a droit » (article 19(8)). La loi doit être rédigée en des termes contraignants afin de faire obligation aux policiers d’exécuter les ordonnances de protection.

     

    ÉTUDE DE CAS : la loi ne doit pas interdire de prononcer des ordonnances de protection contre des femmes. Par exemple, dans l’affaire Smt. Sarita c. Smt. Umrao, 2008 (1) R. Cr. D 97 (Raj), un recours a été déposé aux termes de la loi indienne sur la violence familiale au motif que, comme une femme ne pouvait pas être partie défenderesse, la requête à l’encontre de la belle-mère de la victime devait être retirée. La requérante a fait valoir qu’elle était autorisée à porter plainte contre « les membres de la famille » de son mari et que, comme ce terme ne désignait pas un genre en particulier, sa belle-mère en faisait partie. La haute cour du Rajasthan a conclu que le terme « membre de la famille » était très large et pouvait inclure tous les membres de la famille du mari, y compris les femmes. Dans les affaires Nand Kishor et autres c. État du Rajasthan, MANU/RH/0636/2008, et Rema Devi c. État du Kerala, I (2009) DMC 297, le tribunal a conclu qu’une femme pouvait être partie défenderesse. Voir : Collectif des avocats, Décisions de justice marquantes rendues aux termes de la loi indienne sur la violence familiale (en anglais).

     

    Les ordonnances de protectionLes ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteContenu des ordonnances d’urgence ou ordonnances sur requêteLes ordonnances de protection après audienceContenu des ordonnances de protection après audienceDispositions relatives aux avertissements, durée des ordonnances de protection et autres dispositions essentielles Dispositions relatives à la garde des enfants dans les ordonnances de protectionDroit de la famille et divorceDroit de garde et autres dispositionsProcès civils pour demander des dommages et intérêtsLes droits des femmes à la propriété et à l’héritage
    Autres dispositions relatives aux lois dus les violences lié.es à la dot de la violence familiale
    Après la campagne : et mainteant ?Ressources pour actions le plaidoyer en faveur de l’adoption de lois nouvelles ou d’une réforme des lois
    Introduction Financement de la mise en œuvre Les employeurs et les syndicats Ressources pour l'application des lois
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    Lois relatives à l’héritage

    Dernière modification: February 27, 2011

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    Égalité des droits en matière d’héritage

    •  La législation doit prohiber la discrimination à l’égard des femmes et des filles en matière d’héritage et reconnaître explicitement le droit des femmes d’hériter des biens et de la terre à égalité avec les hommes. Les lois relatives à l’ordre de succession doivent garantir l’égalité entre mères et pères, frères et sœurs, filles et fils, ainsi qu’entre époux. La législation doit prévoir que les lois civiles l’emporteront sur les lois et traditions coutumières discriminatoires envers les femmes et les filles.
    • La législation doit prévoir qu’en cas de remariage l’épouse garde la totalité des droits sur tout bien dont elle a hérité de son époux décédé. Le législateur doit abroger toute loi qui mettrait fin à ce droit en cas de remariage de la veuve, et non en cas de remariage du veuf. Voir Réseau juridique canadien VIH/sida, Respecter, protéger et s’engager : une législation pour les droits des femmes dans le contexte du VIH/sida, vol. 2 : Questions relatives à la famille et à la propriété (en anglais), 2009, § 5.
    Pratique encourageante: Mojekwu et autres c. Ejikeme et autres (5 NWLR 402, Cour d’appel du Nigéria, 9 décembre 1999). Dans cette affaire, les deux arrière-petits-fils et la petite-fille de Reuben Mojekus, mort intestat, ont interjeté appel de la décision d’un tribunal de première instance qui avait statué en faveur de cinq membres masculins de la famille du frère de Reuben à propos de l’héritage des biens de celui-ci. La procédure a débuté par une requête des appelants sollicitant une ordonnance d’interdiction temporaire contre les intimés, qui avaient pénétré sans autorisation dans la propriété de Reuben où vivaient les appelants. Cette affaire concernait la tradition du Nrachi, qui s’applique lorsqu’un homme décède en ne laissant que des filles. La fille doit rester célibataire et avoir des enfants qui deviennent les héritiers de son père défunt dont ils perpétuent le lignage. Les appelants affirmaient que le Nrachi avait été accompli pour Virginia, fille de Reuben et leur mère et grand-mère, ce qui lui donnait ainsi qu’à ses enfants le droit d’hériter des biens de Reuben. Les intimés pour leur part affirmaient que le Nrachi avait été accompli pour Comfort, l’autre fille de Reuben, ce qui lui aurait donné ainsi qu’à ses enfants le droit d’hériter, mais Comfort étant décédée sans avoir eu d’enfants, Reuben était considéré selon le droit coutumier comme n’ayant laissé aucun héritier de sexe masculin et ses biens revenaient donc à son frère ou aux fils de celui-ci. Aucun de ces arguments, tous basés sur les traditions nigérianes, ne l’a emporté en appel. Considérant que ces coutumes étaient discriminatoires envers les femmes et « contraires aux principes de justice naturelle, d’équité et de bon sens », la cour a conclu que les appelants, en qualité de parents de Reuben liés par le sang, avaient le droit d’hériter de ses biens et qu’il serait inéquitable de les chasser de leur domicile. Bien qu’elle ne l’ait pas dit explicitement, la Cour a fondé sa décision sur les droits fondamentaux garantis aux femmes par la Constitution nigériane et par une convention internationale à laquelle le Nigéria était partie.

    Législation laïque

    • Un texte de loi laïque optionnel doit être adopté en matière de statut personnel, à savoir mariage, divorce, dissolution du mariage, héritage, enfants et famille, et il doit être applicable aux personnes de toutes obédiences religieuses.
    ÉTUDE DE CAS : le Liban reconnaît 18 confessions différentes, auxquelles il confie les questions relevant du statut personnel. Chaque communauté religieuse agit indépendamment de l’appareil judiciaire de l’État et utilise ses propres tribunaux, lois et procédures en matière de statut personnel pour ses membres. Il en résulte un cadre fragmenté de lois relatives à la famille, réglementées par confession, et qui ont tendance à être discriminatoires à l’égard des femmes. Voir CEDAW, Rapport initial des États parties. Liban, 2004. Le Liban a tenté de codifier l’héritage dans une loi laïque pour les non-musulmans. La loi relative à la succession introduit des réformes législatives importantes par rapport au droit musulman, par exemple l’absence de traitement différentiel fondé sur le genre et l’attribution d’une part plus grande des biens à la veuve. Elle ne s’applique toutefois pas aux musulmans et les femmes musulmanes restent soumises en matière d’héritage à la charia, qui prévoit plusieurs distinctions basées sur le genre. Voir : COHRE, À la recherche de l’égalité : Enquête sur la loi et la pratique en matière de droits des femmes à l’héritage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), 2006 (en anglais). Voir la section Droit de la famille et lois relatives au mariage.

     

    Propriété égale du mari et de la femme des biens acquis durant le mariage

    La législation doit veiller à ce que le mari et la femme aient le droit d’hériter des parts égales dans le cadre du mariage.

    ÉTUDE DE CAS :

    la législation doit remédier à la discrimination à l’égard des femmes et des filles contenue dans les lois religieuses et veiller à ce qu’elles aient le droit d’hériter une part égale à celle des hommes. Le système juridique iranien est basé sur les principes de l’islam, et plus précisément sur l’école de jurisprudence jaafarite de l’islam chiite. L’héritage entre époux est régi par les dispositions de l’article 913 du Code civil. De prime abord, cet article introduit une discrimination à l’égard des femmes en leur accordant une part inférieure à celle des hommes. En cas de décès de l’épouse, le mari peut hériter le quart de ses biens si elle a des descendants, la moitié si elle ne laisse aucun descendant, et la totalité de ses biens en l’absence d’autres héritiers. En cas de décès du mari, l’épouse peut hériter le huitième de ses biens s’il a des descendants, le quart s’il ne laisse aucun autre héritier et, dans le cas où il avait plusieurs épouses, une part du quart ou du huitième divisée à égalité entre les épouses.

    Les Iraniens ont trouvé des moyens ingénieux pour faire en sorte que leur épouse hérite comme ils le souhaitent. Un testateur peut léguer au maximum le tiers de ses biens, le restant étant partagé entre ses héritiers conformément à la loi. Par exemple, un homme peut acheter un bien au nom de sa femme ou transférer des titres de propriété à son nom afin de garantir qu’elle hérite plus du tiers de ses biens ou de la part prévue par le Code civil. Des pères utilisent la même méthode en faveur de leurs enfants. Ceci permet au testateur de choisir la manière dont il dispose de ses biens en dépit de la loi. Voir : COHRE, À la recherche de l’égalité : Enquête sur la loi et la pratique en matière de droits des femmes à l’héritage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), 2006 (en anglais).

    Égalité du droit à hériter de tout type de bien

    La législation doit veiller à ce que le mari et la femme aient le droit d’hériter des biens de même nature. Par exemple un système juridique qui prévoit qu’un homme peut hériter de la totalité des biens de sa femme, mais que celle-ci ne peut hériter que de biens mobiliers et de la valeur de rachat des immeubles et arbres situés sur la propriété de son mari, est discriminatoire à l’égard des femmes et il doit être amendé. De telles lois sont discriminatoires envers les femmes à court et à long terme : la terre et les biens immobiliers ont tendance à prendre de la valeur tandis que des biens mobiliers ont tendance à se déprécier avec le temps.

    (Voir : COHRE, À la recherche de l’égalité : Enquête sur la loi et la pratique en matière de droits des femmes à l’héritage au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA), 2006 (en anglais). )

     

    Pratique encourageante : Afrique du Sud. Dans les mariages régis par défaut par le régime de communauté universelle ou partielle, la veuve peut hériter de la totalité des biens du couple en l’absence d’enfants. Même si elle est exclue du testament, elle peut réclamer une pension alimentaire.

    ÉTUDE DE CAS:

    la législation doit accorder le même droit à l’héritage aux fils et aux filles, sans tenir compte des lois coutumières. Au Zimbabwe, l’affaire discriminatoire Magaya c. Magaya (1999), 3 LRC 35, 40 (Cour suprême du Zimbabwe) concernait le droit à l’héritage d’une fille aux termes de la Loi de 1997 relative à la gestion des biens. L’article 68 de cette loi dispose que les biens du défunt doivent être gérés conformément au droit coutumier, qui favorise les hommes au détriment des femmes. La Cour a examiné la question de la discrimination à l’égard des femmes dans le cas où un homme ayant deux femmes meurt intestat en laissant une fille de son premier mariage et des fils du second. Dans l’appel interjeté devant la Cour suprême du Zimbabwe, la fille de la première épouse contestait la décision d’un tribunal de première instance, qui avait conclu que lorsqu’un homme de la famille pouvait revendiquer l’héritage, une femme ne pouvait pas être l’héritière conformément au droit coutumier africain. La fille fondait sa demande sur des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels le Zimbabwe est partie. Les juges ont considéré que dans le cas où les mariages sont célébrés selon le droit coutumier, les lois ab intestat du droit coutumier s’appliquent. Faisant observer que la prohibition de la discrimination inscrite dans la Constitution zimbabwéenne ne s’appliquait pas au genre (l’article 23 ne s’applique pas davantage à l’adoption, au mariage, au divorce, aux funérailles, à la transmission des biens après le décès, entre autres questions relevant du statut personnel) et que, quoi qu’il en soit, la Constitution introduisait une dérogation s’agissant des lois coutumières sur la transmission des biens après le décès, les juges ont confirmé la décision du magistrat en première instance. Ils ont justifié leur décision en faveur de l’héritier de sexe masculin en considérant que la fille ne remplirait pas son obligation de prendre soin de sa famille d’origine en raison de ses obligations envers sa nouvelle famille. Les juges ont fait valoir que les femmes ont tendance à détourner les biens de leur famille d’origine au profit de leur nouvelle famille. Ils ont estimé qu’en revanche les fils étaient plus susceptibles et plus capables d’honorer leurs obligations envers leur famille d’origine et leur nouvelle famille. Dans des opinions conformes à l’arrêt, les juges se sont fondés sur un certain nombre de cas et de lois analogues, y compris les lois coutumières de la tribu du défunt, en faisant observer que lorsqu’un mariage est conclu selon la loi coutumière d’une tribu, ce sont les lois coutumières de cette tribu relatives à la succession qui s’appliquent. Cette décision et sa motivation sont discriminatoires à l’égard des femmes. Le législateur doit veiller à ce que les femmes aient le même droit à l’héritage que les hommes.

     

    Protection des droits des veuves et des filles dans les successions testamentaires

    • La législation doit garantir aux hommes et aux femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale, la capacité de rédiger un testament. Le législateur doit élaborer des lignes directrices sur les règles relatives aux testaments et sur la forme qu’ils doivent revêtir pour être valables. La législation doit prévoir qu’un bienfaiteur peut léguer par testament tout bien auquel il/elle avait droit au moment de son décès. Elle doit interdire à une personne mariée de léguer par testament le domicile conjugal à une personne autre que son conjoint survivant. Elle doit également préciser qu’une personne ne peut léguer par testament que sa propre partie des biens du couple possédés conjointement.
    • La législation doit obligatoirement préciser que tout testament doit prévoir une pension alimentaire pour les personnes à charge, qui comprennent les conjoints survivants.

    Le Réseau juridique canadien VIH/sida a élaboré des lignes directrices pour déterminer la pension alimentaire :

    Article 46. Détermination du montant de la pension alimentaire

    1)                  Le tribunal rendra une ordonnance de versement de pension alimentaire pour toute/s personne/s à charge du défunt qui, selon l’avis du tribunal, a besoin d’une telle pension pour subvenir à ses besoins, nonobstant les dispositions d’un éventuel testament.

    2)                  Le tribunal fixera la nature et le montant de la pension alimentaire qui sera versée à une personne à charge aux termes du présent article, en prenant en considération :

    a)                  la nature et la quantité des biens constituant la succession du défunt ;

    b)                  les responsabilités et les besoins que chacune des personnes à la charge du défunt a ou est susceptible d’avoir dans un avenir proche ;

    c)                   le mode de vie, les revenus, la capacité de gain, les biens et les ressources dont dispose chacune des personnes à la charge du défunt et dont elle est susceptible de disposer dans un avenir proche ;

    d)      les raisons, dans la mesure où elles peuvent être établies, pour lesquelles le défunt n’a pas pris de dispositions appropriées en faveur d’une personne à sa charge.

    3)                  Dans le cas où la personne à charge est un enfant, pour déterminer la nature et le montant de la pension alimentaire, le tribunal doit tout particulièrement prendre en compte :

    a)                  les besoins financiers, éducatifs et de développement de l’enfant, y compris mais sans s’y limiter le logement, l’eau, l’électricité, la nourriture, les vêtements, le transport, les articles de toilette, les services de garde d’enfant, l’éducation (y compris préscolaire) et les soins médicaux ;

    b)                  l’âge de la personne à charge ;

    c)                  la manière dont la personne à charge est élevée ou formée et dont son ou ses parents s’attend ou s’attendent raisonnablement à ce qu’elle le soit ;

    d)                  tout besoin spécial de la personne à charge, y compris mais sans s’y limiter les besoins résultant d’un handicap ou de toute autre situation particulière, et

    e)                  le coût direct et indirect supporté par le parent ou le tuteur de l’enfant pour s’occuper de lui, notamment le revenu et la capacité de gain dont le parent ou le tuteur est privé parce qu’il s’occupe de l’enfant.

    4)                  Dans le cas où la personne à charge souffre d’un handicap, pour déterminer la nature et le montant de la pension alimentaire, le tribunal doit tout particulièrement prendre en compte :

    a)                  l’importance du handicap ;

    b)                  la durée probable du handicap ;

    c)                  la période durant laquelle la personne à charge aura probablement besoin d’une pension alimentaire, et

    d)                  le coût des soins médicaux, entre autres, supportés par la personne à charge ou par son parent ou tuteur du fait du handicap. [Les paragraphes 3 et 4 ont pour origine la loi namibienne relative à la pension alimentaire de 2003, art. 16(3) et 16(4).]

    5)                  Lorsque la succession ne suffit pas à assurer la pension alimentaire dont toutes les personnes à charge ont besoin, le tribunal rendra des ordonnances de versement d’une pension alimentaire équitables conformément aux actifs disponibles et aux facteurs énumérés aux paragraphes 2, 3 et 4.

    Voir : Réseau juridique canadien VIH/sida, Respecter, protéger et s’engager : une législation pour les droits des femmes dans le contexte du VIH/sida, vol. 2 : Questions relatives à la famille et à la propriété, 2009 (en anglais).

    Restrictions à la liberté testamentaire

    • Le législateur doit également restreindre la liberté testamentaire pour garantir que les conjoints reçoivent une part des biens de leur époux défunt comprenant le domicile conjugal. La législation doit veiller à ce que la veuve ait droit à « une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint » et qu’elle ait le droit de continuer d’habiter dans le domicile conjugal. Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, art. 21 (1).
    • La législation doit interdire aux testateurs d’accorder la garde des enfants à une personne autre que le conjoint survivant et préciser que toute disposition testamentaire dans ce sens est nulle et non avenue. Les lois doivent préciser que la veuve devient automatiquement tutrice de ses enfants à la mort de son mari, sauf si une autorité compétente décide, conformément aux lois applicables en la matière, que cette mesure n’est pas dans l’intérêt de l’enfant.

    Voir : COHRE, Les femmes et la question du droit au logement (en anglais), note d’information 7, p. 8 ; ONU-Habitat, Rapport intérimaire sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’agissant du droit à la propriété et à l’héritage (2006, en anglais).


    Protection des droits des veuves et des filles dans les successions testimentaires

    Les lois relatives à l’héritage doivent garantir aux hommes et aux femmes le même droit à l’héritage en cas de succession ab intestat. Les lois régissant la succession ab intestat doivent accorder automatiquement au conjoint une part des biens, y compris l’usufruit et le droit de continuer d’habiter dans le domicile conjugal. Certains pays prévoient un rang de succession dans le cas d’une succession ab intestat qui place la veuve en tête. La législation doit reconnaître aux veuves le droit entier sur leurs propres biens. Voir la section Régimes matrimoniaux. Le réseau juridique canadien VIH/sida recommande deux options de transmission pour le conjoint survivant en cas de succession ab intestat : 1) accorder au conjoint une part préférentielle, et 2) transmettre l’ensemble des biens, s’ils sont inférieurs à un certain montant, dans l’ordre de succession au conjoint survivant et aux enfants, aux parents du défunt et aux héritiers de la catégorie suivante.

    ÉTUDE DE CAS :

    Le législateur doit abroger ou amender toute loi qui met fin aux intérêts en cas de remariage de la veuve et non en cas de remariage du veuf. Par exemple, la loi kenyane sur la succession, qui est discriminatoire, dispose qu’en cas de succession ab intestat un conjoint survivant obtient un intérêt absolu sur les biens personnels du défunt et ceux du couple et l’usufruit des autres biens, qui prend fin en cas de remariage (art. 35, 36). L’usufruit ne prend pas fin pour les veufs en cas de remariage. Une veuve qui est contrainte d’épouser un parent de son mari peut ainsi perdre son usufruit au profit de ses enfants. Aux termes de la loi, les enfants de sexe masculin et féminin héritent de parts égales des biens de leurs parents en cas de succession ab intestat. En revanche, les veufs ne perdent pas l’usufruit en cas de remariage. Qui plus est, si le défunt n’était pas marié et n’avait pas d’enfant, en cas de succession ab intestat le père est un héritier de premier rang dans l’ordre de succession, suivi de la mère. Des exceptions prévues par la loi aggravent la discrimination à l’égard des femmes. La loi ne s’applique pas aux musulmans et des exceptions concernant la terre agricole, les récoltes et le bétail dans certains districts entraînent l’application du droit coutumier à ces biens. Selon le système patrilinéaire du Kenya, les biens reviennent aux fils du défunt ; s’il n’a pas de fils, il est considéré comme célibataire, et sa veuve est donc exclue de l’héritage dans les deux cas. Le problème est exacerbé par la Constitution kenyane qui fait une exception à sa clause antidiscriminatoire en cas d’adoption, de mariage, de divorce, d’héritage, d’autres questions personnelles et dans le cas du droit coutumier (art. 82). Pour protéger les droits des veuves dans le cadre de la Loi relative à la succession, le législateur doit abroger les dispositions qui suppriment l’héritage des veuves en cas de remariage, les exceptions concernant la terre, les récoltes et le bétail, les dispositions qui exemptent certains groupes ou religions du cadre de la loi, et celles qui favorisent les hommes au détriment des femmes en matière d’héritage.

    Voir : Anna Knox et autres, Relier les droits et la réalité : un cadre progressif de protections juridiques essentielles pour le droit de propriété des femmes (en anglais), ICRW (Centre international de recherche sur les femmes) ; Human Rights Watch, Un traitement inégal : violations du droit de propriété des femmes au Kenya (en anglais), 2003 ; Rachel Rebouché, Le travail, la terre et les droits des femmes en Afrique : des défis pour le nouveau protocole sur les droits des femmes (en anglais), 19 Harv. Hum. Rts. J. 235 (2006).

     

    ÉTUDE DE CAS :

    le législateur doit abroger les lois qui sont discriminatoires à l’égard des femmes en matière d’héritage et qui violent leur droit à l’égalité des droits et des responsabilités en qualité de parents dans les affaires concernant leurs enfants. La Loi ougandaise relative à la succession, discriminatoire, réduit l’héritage des veuves et leurs droits parentaux, ce qui est contraire à l’article 33 (6) de la Constitution de 1995, laquelle dispose : « Les lois, cultures, coutumes ou traditions contraires à la dignité, au bien-être ou à l’intérêt des femmes ou qui fragilisent leur statut sont prohibées… ». Constitution de la République de l’Ouganda (en anglais).

    Aux termes de cette loi, le domicile d’un homme qui meurt sans avoir rédigé un testament revient à son héritier désigné, comme le parent le plus proche en ligne directe, généralement le fils aîné (§ 26 de La loi relative à la succession, en anglais). Les biens restants sont partagés entre les héritiers coutumiers, l’épouse ou les épouses, les parents à charge et les descendants en ligne directe. Si toutes les catégories d’héritiers sont représentées, l’épouse ou les épouses reçoivent 15 % des biens tandis que les héritiers en ligne directe reçoivent 75 % (§ 27 de la Loi relative à la succession, en anglais).

    Bien que le parent le plus proche en ligne directe hérite de la résidence principale du défunt, la veuve garde un droit d’occupation, auquel est lié le droit de cultiver toute terre agricole adjacente à cette habitation (Loi relative à la succession, annexe 2, règles 1-2). Ce droit d’occupation est toutefois limité et il prend fin en cas de remariage de la veuve ou si elle s’absente pendant plus de six mois consécutifs (Loi relative à la succession, annexe 2, règle 8). Dans la pratique, le droit d’occupation prend souvent fin si la veuve est simplement soupçonnée d’entretenir une liaison ; les beaux-parents d’une veuve l’intimident souvent pour qu’elle quitte les lieux de manière à faire valoir la disposition des six mois consécutifs d’absence. Une fois que la veuve a perdu son droit d’occupation, elle perd également celui de cultiver la terre avoisinante.

    D’autres restrictions permettent de mettre fin au droit d’occupation d’une veuve par décision de justice s’il est établi qu’« un logement de rechange approprié est disponible » et qu’elle ne rencontrera pas de difficultés (Loi relative à la succession, annexe 2, règle 9(b)). Une décision de justice mettant fin au droit d’occupation peut être rendue s’il est établi que la veuve n’a pas respecté plusieurs dispositions de la règle 7 de l’annexe 2 qui exigent, entre autres, qu’une veuve entretienne les lieux, cultive toute la terre agricole habituellement cultivée, et garde à la propriété le statut physique et juridique dans lequel elle lui a été transférée (Loi relative à la succession, annexe 2, règles 7, 9).

    La loi viole également les droits qui protègent la famille et l’enfant. Tout d’abord elle permet au mari de désigner dans son testament des proches autres que la mère comme tuteur des enfants (Loi relative à la succession, § 43). Ensuite, si le défunt n’a pas rédigé de testament, ses proches, à savoir ses parents, ses frères et sœurs, ses oncles et tantes, ont le droit d’être désignés comme tuteur des enfants avant leur mère. La loi énumère en détail les personnes qui peuvent être désignées comme tuteur si le père décède sans avoir désigné un tuteur dans un testament, la mère étant notamment exclue comme tuteur privilégié. L’ordre de préférence est le suivant : 1) les parents du défunt ; 2) les frères et sœurs du défunt ; 3) les oncles et tantes paternels du défunt ; 4) les frères de la mère ; et enfin 5) le père de la mère (Loi relative à la succession, § 44).

    À la lumière des dispositions sur l’héritage mentionnées plus haut et qui permettent aux enfants d’un défunt de recevoir 75 % de ses biens, ces dispositions sur le droit de garde incitent fortement les proches d’un homme décédé sans avoir fait de testament à faire valoir leur droit de tutelle. La Loi relative aux enfants prévoit une autre voie : elle permet aux proches d’obtenir la tutelle car elle autorise le tribunal à se baser sur la capacité financière potentielle d’une personne de prendre en charge les enfants pour la désigner comme tutrice. Il est difficile aux veuves qui perdent leur domicile et leurs biens à cause de la loi sur la succession de prouver leurs moyens économiques.

    Enfin, la Loi relative à la succession accorde le pouvoir de gestion à la personne habilitée à recevoir la part la plus grande des biens d’un défunt ab intestat (Loi relative à la succession, § 202). Dans la plupart des cas, il s’agit du fils aîné, parent le plus proche en ligne directe. L’administrateur dispose de pouvoirs importants puisqu’il est autorisé à « disposer des biens du défunt […] comme bon lui semble », ce pouvoir étant toutefois soumis aux dispositions régissant les droits de propriété et d’occupation des biens résidentiels (Loi relative à la succession, § 270).

    Qui plus est, la méconnaissance de la Loi relative à la succession et l’absence d’application entraînent l’application de la loi coutumière par les chefs traditionnels. Celle-ci est également discriminatoire à l’égard des femmes car elle considère la femme et ses enfants comme la propriété du mari, soumet la femme à « l’héritage de la veuve » (lévirat), à la saisie de biens et à l’éviction forcée, autorise la polygamie – qui l’oblige à partager les biens avec d’autres épouses –, et désigne le parent le plus proche de sexe masculin comme administrateur et héritier de premier rang.

    La législation doit prévoir que les systèmes coutumiers accordent aux femmes l’égalité des droits avec les hommes en matière d’héritage et que les conflits entre les lois civiles, coutumières ou religieuses doivent être résolus d’une manière qui protège l’égalité entre hommes et femmes et respecte les droits des veuves. Le législateur doit prévoir une sensibilisation et une information des communautés, des dignitaires religieux et des chefs traditionnels à propos de ces lois, afin de faciliter leur mise en œuvre. Par exemple, le Ghana a adopté la Loi relative aux successions ab intestat qui accorde au conjoint survivant une part plus importante des biens et des droits sur les biens du défunt pour les mariages officiels et coutumiers qui ont été enregistrés. L’application de cette loi a été difficile en raison d’un conflit avec les structures familiales traditionnelles qui ne considèrent pas la veuve comme faisant partie de la famille de son mari et lui refusent donc une part de ses biens. L’information est nécessaire pour faciliter l’application effective de la loi. Voir : Elom Dovlo, Colloque sur le droit international et la religion. La religion dans l’espace public : difficultés et perspectives de l’adoption de lois au Ghana, 1989-2004 (en anglais), Brigham Young U. L. Rev. 629 (2005).

     

    Garantir une gestion appropriée de l’héritage

    • La législation doit veiller à ce que les hommes et les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale, aient le droit de gérer un héritage. La loi doit accorder au conjoint survivant le droit automatique de gérer les biens hérités. Dans le cas où le défunt laisse plusieurs épouses, la loi doit accorder à chacune d’entre elles le droit d’administrer son domicile conjugal séparé, les biens qui s’y trouvent et le terrain environnant, ainsi que le droit conjoint de gérer tous les autres biens du défunt ou de choisir un autre administrateur ou encore de demander aux autorités de le désigner. L’administrateur doit être habilité à gérer et partager l’héritage avec les mêmes droits sur les biens que ceux qu’aurait le défunt s’il était encore en vie. La loi doit charger l’administrateur de veiller à ce qu’un inventaire final des biens du défunt soit effectué et attesté par deux témoins non bénéficiaires. À cette fin, il doit rencontrer le conjoint survivant et les enfants, examiner les titres de propriété et les comptes bancaires et consulter les notables, employeurs, proches et voisins du défunt qui pourraient avoir connaissance de ses biens. Voir : Réseau juridique canadien VIH/sida, Respecter, protéger et s’engager : une législation pour les droits des femmes dans le contexte du VIH/sida, vol. 2 : Questions relatives à la famille et à la propriété, 2009 (en anglais).
    • La législation doit inclure des programmes de sensibilisation en vue d’éduquer d’une part les chefs traditionnels, les dignitaires religieux et les membres influents de la société sur les droits des veuves et la loi, et d’autre part les femmes et les filles en ville et en zone rurale sur leurs droits fondamentaux, les voies de recours et la manière de les faire respecter. La législation doit mettre en place et soutenir des mécanismes de mise en application, comme un service de police, pour aider les femmes à faire valoir leurs revendications en matière d’héritage et de propriété.
    • La loi doit interdire de contraindre un héritier à remettre sa part d’héritage à un tiers par la force, la contrainte ou la fraude. Lorsqu’une veuve ou une héritière décide de donner sa part à un parent de sexe masculin comme garantie d’un soutien financier, la législation doit prévoir un contrat écrit énonçant les termes de l’accord, le montant et le calendrier de l’aide fournie par l’homme à la femme ainsi que les voies de recours en cas de non-respect du contrat. Le document doit porter la signature des deux parties et d’un témoin pour qu’un tel transfert soit valable. La législation doit prévoir une aide juridique gratuite pour informer la femme ou la fille de ses droits légaux et des conséquences d’un tel transfert, et pour l’aider à rédiger les termes du contrat et surveiller son exécution. Il doit être prévu également que les autorités responsables du contrôle de ces transactions confirment les numéros d’identification et d’enregistrement avant d’autoriser sa conclusion.

     

    Recueil d’informations et suivi

    La législation doit prévoir un réexamen global de toutes les lois formelles et coutumières en vue de garantir l’égalité des droits pour les femmes en matière de logement, de terre et d’héritage. Ce processus doit accorder une attention toute particulière à établir une cohérence entre les lois et au sein de celles-ci. Par exemple le législateur doit veiller à ce que les textes législatifs respectent et incluent les dispositions constitutionnelles qui protègent les droits des veuves.

     

    ÉTUDE DE CAS : la Constitution du Ghana prévoit l’égalité entre les époux en matière d’héritage, d’accès aux biens du couple et de partage des biens communs en cas de dissolution du mariage :

    1)                  Un conjoint ne sera pas privé d’une part raisonnable de l’héritage de son époux défunt, que celui-ci ait ou non rédigé un testament.

    2)                  Le Parlement promulguera une loi régissant les droits de propriété des époux dès que possible après l’entrée en vigueur de la présente Constitution.

    3)                  En vue de parvenir à la réalisation des droits énoncés à l’alinéa (2) du présent article :

    a)                  les époux auront un accès égal aux biens acquis en commun durant le mariage ;

    b)                  les biens acquis en commun durant le mariage seront partagés équitablement entre les époux lors de la dissolution du mariage (art. 22).

    Bien que la Constitution ghanéenne prohibe la discrimination fondée sur plusieurs motifs, notamment le genre, le même article prévoit une exception s’agissant de l’adoption, du mariage, du divorce, de l’héritage et « d’autres questions de statut personnel » (en faisant observer que « rien dans le présent article n’empêchera le Parlement d’adopter des lois raisonnablement nécessaires pour traiter […] de questions relatives à l’adoption, au mariage, au divorce, aux funérailles, à la transmission des biens après le décès, entre autres questions relevant du statut personnel ») (art. 17). Le législateur doit étendre les garanties de non-discrimination à toutes les questions personnelles, à savoir l’adoption, le mariage, le divorce, l’héritage, dans lesquelles la discrimination à l’égard des femmes est souvent répandue.

     

    ÉTUDE DE CAS : le législateur doit adopter des lois qui prévalent sur des décisions de justice confirmant des coutumes discriminatoires ou interprétant des lois d’une manière discriminatoire à l’égard des veuves et de toutes les femmes. Dans l’affaire Succession Agboruja (19 N.L.R. 38, Nigéria, 1949), la Cour d’appel a fait droit à la requête d’un agent administratif qui visant à obtenir la modification d’un jugement d’une instance inférieure ayant désigné le demi-frère d’un défunt comme tuteur légal des jeunes enfants de celui-ci. Selon les lois coutumières sur l’héritage, le demi-frère avait hérité des biens du défunt dont il avait épousé la veuve en héritage (lévirat). Celle-ci l’avait quitté à la suite d’une dispute en emmenant ses enfants avec le consentement du demi-frère. La Cour d’appel a fait droit à la requête en modification du jugement en annulant la tutelle du demi-frère pour la confier à la mère des enfants, à condition que ceux-ci soient éduqués dans une école chrétienne. Nonobstant la décision rendue en faveur de la veuve, la Cour s’est déclarée favorable à la coutume discriminatoire d’héritage de la veuve (lévirat) selon laquelle la veuve et ses enfants, ainsi que les biens, reviennent en héritage au plus proche parent de sexe masculin du défunt si le défunt et l’héritière sont « païens». La Cour a conclu qu’il « ne peut y avoir rien qui soit intrinsèquement injuste ou inéquitable, même en matière d’héritage des veuves, lorsque ceux qui suivent la coutume sont païens et non musulmans ou chrétiens. La coutume est fondée sur l’économie d’un type de système social africain dans lequel la famille est considérée comme une unité composite ».

     La Commission de réforme législative du Nigéria, ayant pris acte de nombreux appels émanant de différents groupes de pression qui réclamaient la prohibition de « l’héritage de la veuve » (lévirat), a recommandé en 2006 qu’il soit mis complètement fin à cette pratique – que la famille concernée soit ou non païenne – au vu des changements importants intervenus au sein de la société. En même temps, la Commission a recommandé plusieurs amendements législatifs correspondants ou complémentaires, notamment 1) de rendre obligatoire l’enregistrement des mariages comportant la confirmation du paiement d’une dot par le mari et du consentement volontaire des époux ; 2) d’accorder automatiquement à la veuve le droit de garde des enfants ; 3) d’accorder automatiquement le statut d’héritier à la veuve et aux enfants, sauf dans le cas où le défunt a exprimé explicitement un avis contraire de son vivant. Par ailleurs, la Commission a recommandé de ne pas modifier la pratique, coutumière dans certaines communautés, qui autorise le mariage posthume, lequel a pour but de donner un statut aux enfants du couple dans les communautés où la légitimité d’une personne est déterminée uniquement par le mariage de ses parents et où le couple avait été empêché de réaliser son intention de se marier. La Commission a fait observer que, bien qu’elle n’estime pas que cette pratique doive donner droit à l’enregistrement du mariage, il ne fallait pas y toucher car elle « donne une protection accrue aux femmes et aux enfants et que rien ne laisse à penser qu’elle puisse en soi être contraire à la politique publique ou à la moralité publique ». Voir : 2 Commission de réforme législative du Nigéria, Document de travail sur la réforme des lois relatives au mariage (2006, en anglais).

     

     

    Pratique encourageante : Loi ougandaise relative à la succession, titre 162, Lois de l’Ouganda (en anglais). La Cour constitutionnelle a conclu que les dispositions suivantes de cette loi étaient contraires à la Constitution :

    • L’article 27, qui prévoit uniquement une succession ab intestat au profit des hommes.
    • L’article 27, qui accorde à une veuve 15 % de l’héritage et à un veuf 100 %.
    • La règle 8 (a) de l’annexe 2 de la Loi relative à la succession, selon laquelle la veuve perd son droit d’habiter dans le domicile conjugal en cas de remariage alors que le veuf perd ce droit à sa mort.
    • L’article 43, qui prévoit que le père peut désigner un tuteur même si la mère est en vie.
    • L’article 2 (n)(i) et l’article 44, qui disposent que les parents en ligne directe de sexe masculin passent avant les parentes en ligne directe de sexe féminin pour le choix d’un tuteur.
    • L’article 14, qui prévoit l’attribution automatique du domicile conjugal à l’épouse et non à l’époux.
    • L’article 15, qui dispose que la séparation légale met fin à l’attribution du domicile à l’épouse.

    Le Parlement devra amender la loi et se pencher sur les lacunes résultant de cette décision. Voir : Dora Byamukama, L’efficacité de la législation adoptée pour remédier aux pratiques néfastes pour les femmes en Ouganda, y compris la maltraitance des veuves et les mutilations génitales féminines (en anglais), 2009.

    La législation doit prescrire des études sur les lois régissant l’héritage et la propriété et sur les pratiques dans tout le pays afin de comprendre la nature et l’ampleur de la discrimination à l’égard des femmes et des filles en matière d’héritage et de droit de propriété. Elle doit mettre en place et soutenir des mécanismes de contrôle chargés d’évaluer l’application de ces lois ainsi que les revendications des femmes et des filles en matière d’héritage et de propriété.