Promouvoir la sécurité d’occupation foncière pour les femmes

Dernière modification: February 27, 2011

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Les options
Les options
  • L’objectif primordial du législateur doit être de promouvoir l’égalité et la sécurité d’occupation foncière et du logement pour les femmes, y compris les veuves. Dans son Observation générale N° 4, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels fait observer qu’il existe différentes formes d’occupation : « la location (par le secteur public ou privé), la copropriété, le bail, la propriété, l’hébergement d’urgence et l’occupation précaire, qu’il s’agisse de terres ou de locaux. Quel que soit le régime d’occupation, chaque personne a droit à un certain degré de sécurité qui garantit la protection légale contre l’expulsion, le harcèlement ou autres menaces ». La FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) définit plus précisément la propriété foncière comme « un ensemble de droits qu’une personne ou une organisation possède vis-à-vis d’un fonds. La sécurité de tenure ne se limite pas à la propriété privée mais peut exister sous une grande variété de formes tels les baux sur des terres domaniales ou les droits d’usage de la propriété communale ». La législation et les politiques publiques doivent donc favoriser la sécurité d’occupation pour les femmes, y compris les veuves, comme approche la plus large possible pour aborder les droits fondamentaux d’accès à la terre et au logement, de propriété, d’utilisation et de bail, entre autres. Le fait de garantir la sécurité d’occupation pour les femmes, y compris les veuves, permettra à celles-ci de prendre des décisions sur la meilleure façon d’utiliser la terre pour ses ressources et pour un investissement durable et de l’utiliser de manière plus efficace ; cela leur accordera en outre un meilleur accès à des perspectives économiques.
  • La sécurité d’occupation doit inclure des protections applicables contre l’éviction et les restrictions arbitraires aux droits sur la terre, des voies de recours, une période raisonnable de droits adaptés à l’utilisation de la terre et à l’utilisateur, ainsi que la capacité légale de léguer, donner en location ou attribuer la terre à court ou long terme. Voir ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008. L’occupation prend différentes formes, depuis la pleine propriété qui confère au propriétaire l’ensemble des droits jusqu’aux systèmes d’occupation informelle, comme l’occupation sans titre.

 

Les femmes comme bénéficiaires directes

Les politiques publiques doivent reconnaître les femmes comme bénéficiaires directes de la terre sans tenir compte de leur situation matrimoniale. La législation doit accorder aux femmes le droit, à égalité avec les hommes, d’être bénéficiaires directes, que ce soit par une attribution par l’État, par mariage en fonction du régime matrimonial de propriété des biens, par héritage ou par achat. Le législateur doit veiller à ce que les lois reconnaissent le droit des femmes d’administrer des biens et de conclure des contrats. CEDAW, art. 15 (2).

Réformes graduelles et progressives

  • Le législateur doit prendre conscience du fait que la sécurité d’occupation ne requiert pas automatiquement un titre de propriété et qu’en réalité un titre de propriété individuel n’est pas toujours la meilleure façon de protéger les femmes. Dans certains cas, des titres individuels par opposition à la propriété commune, publique ou collective risquent de réduire les droits actuels des femmes à l’utilisation de la terre à moins que des protections supplémentaires ne soient mises en œuvre. Délivrer des titres de propriété pour des terres non enregistrées peut mettre fin aux autres droits que les femmes ont sur les biens, entraîner une augmentation du prix de la terre et mener à des revendications coûteuses. Voir : ONU-Habitat. Droits des femmes au sol, à la propriété et au logement : guide global pour les politiques publiques, 2007. Par exemple, en Gambie, un programme d’irrigation a remis le contrôle des terres communes aux chefs de famille de sexe masculin. Cette mesure a privé les femmes de leur droit d’usufruit (le droit d’utiliser un bien appartenant à autrui) sur ces biens communs, qu’elles cultivaient pour se nourrir ; leur travail agricole a été détourné pour aider les hommes. Voir Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Approches encourageantes pour répondre aux besoins des travailleuses agricoles pauvres (en anglais), 2008. Une meilleure approche consisterait à attribuer des terres en priorité aux personnes qui les ont exploitées de manière productive, et qui sont souvent des femmes.
  • Plutôt que d’imposer immédiatement et automatiquement un titre de pleine propriété, ONU-Habitat et le FIDA recommandent aux États d’adopter une approche flexible qui corresponde au contexte et aux capacités institutionnelles du pays. Une approche graduelle et à long terme utilise les systèmes fonciers existants et traditionnels comme point de départ pour l’élaboration d’une réforme foncière. Au lieu de créer d’emblée un nouveau système, l’approche graduelle et évolutive utilise différents niveaux d’occupation, qui dépendent de facteurs politiques, sociaux, traditionnels et coutumiers, de ressources institutionnelles et de considérations de genre. Les différentes possibilités sont, parmi d’autres, l’octroi d’un certain niveau de droits d’occupation à des occupants sans autorisation, un titre de propriété individuel, des options de possession intermédiaires, des formes alternatives de propriété et d’occupation, par exemple des coopératives de femmes, le renforcement des droits des femmes à utiliser, occuper et exploiter la terre, l’intégration de la politique foncière à la planification et aux infrastructures, et la régularisation des droits coutumiers et de la construction sur des systèmes fonciers coutumiers. Le législateur doit adopter des mesures pour aborder, contrôler et évaluer les effets de ces projets dans le temps en vue d’élaborer des réformes plus globales à long terme. Voir ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008 ; FIDA, Régime foncier.

ÉTUDE DE CAS:

ONU-Habitat a recensé plusieurs exemples de systèmes fonciers comme alternatives au titre de propriété automatique :

  • Le conseil municipal de Nairobi, au Kenya, a créé un système d’autorisations d’occupation temporaire qui distribue des terres publiques aux titulaires de ce document afin qu’ils les exploitent de manière productive. Le titulaire verse un droit annuel de renouvellement de l’autorisation et peut ériger des structures semi-permanentes sur la terre. Les bénéficiaires de ce système utilisent la terre pour des activités produisant des revenus ainsi qu’à des fins résidentielles.
  • Aux Philippines, le président a fait des déclarations protégeant les occupants sans titre de terres publiques contre l’éviction. Cette assurance a eu pour effet bénéfique de motiver les résidents à améliorer leur habitation et leur environnement.
  • La Colombie a adopté des lois qui offrent une série d’options intermédiaires « tremplin » en vue de favoriser un logement durable et accessible, par exemple les « déclarations de possession », les « droits d’achat et de vente pour une utilisation future » et le « bail communal ». Ces options favorisent les droits d’occupation et protègent contre l’éviction. La Colombie dispose également de lois qui contribuent à un niveau de vie décent en l’absence de système foncier officiel ; ces lois permettent à tous les citoyens de bénéficier des services publics de base aussi longtemps qu’ils peuvent prouver qu’ils résident dans les habitations et ont les moyens de payer ces services.

Voir ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008.

 

Régimes fonciers coutumiers

  • Le législateur doit se demander s’il convient de formaliser ou d’enregistrer des droits coutumiers sur la terre. Cette décision doit être prise en consultation avec les femmes, les veuves et la société civile et elle doit prendre en considération le contexte actuel. Les avantages de la formalisation d’un système d’enregistrement des droits coutumiers sur la terre sont l’amélioration de la sécurité d’occupation, la détention de documents par les propriétaires à des fins d’obtention de crédit, et la simplification de la planification et de l’administration foncières. D’autre part, l’enregistrement de terres soumises au régime coutumier risque de mettre fin aux droits d’utilisation informelle des femmes, de les exclure de droits futurs en cas de changement de leur situation matrimoniale et de soulever des questions à propos du nom qui doit figurer sur les documents. Les projets qui ne prennent pas en considération les droits coutumiers des femmes sur la terre risquent de « remettre en cause ces droits et d’aliéner les femmes qui cessent souvent de travailler en réaction ». Voir Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), Approches encourageantes pour répondre aux besoins des travailleuses agricoles pauvres (en anglais), 2008 ; Katalin Komjathy et Susan E. Nichols, L’accès des femmes à la terre – Lignes directrices de la FIG (en anglais et en russe), Fédération internationale des géomètres.

 

  • Dans certains cas, le législateur peut décider de s’appuyer sur des systèmes coutumiers pour l’élaboration de réformes foncières. Celles-ci doivent inclure la participation des femmes, des veuves et des membres influents de la société, elles doivent prendre en compte la dimension de genre et répertorier les principaux modes d’occupation dans le droit coutumier. Ainsi, le Ghana transfère progressivement la gestion des terres coutumières du gouvernement aux systèmes coutumiers. Des Secrétariats de la terre coutumière ont été créés pour répondre aux demandes de parcelles à bâtir formulées par des nouveaux résidents. Ces organismes assurent un système structuré de distribution de terres, ils enregistrent les droits sur la terre, effectuent des levés topographiques, rédigent des baux, gèrent les opérations financières et facilitent l’enregistrement. Une indemnisation est accordée aux personnes privées de leurs terres agricoles dans le cadre de l’attribution de terrains. Une partie des revenus fonciers finance les infrastructures communautaires. Voir : ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008.
  • Les rédacteurs qui décident d’enregistrer les terres coutumières doivent faire preuve de prudence en accordant des titres de propriété individuels car cela peut être coûteux, compliqué et avoir des effets déstabilisateurs. Ils doivent plutôt envisager une formalisation graduelle des terres coutumières en augmentant les droits d’occupation au fil du temps tout en évaluant simultanément des approches adaptées à long terme. ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008.

 

 

Terres appartenant à l’État

  • Le législateur doit prendre en compte les besoins des veuves et de toutes les femmes dans l’administration des terres appartenant à l’État. Elles doivent être consultées tout au long des politiques de développement, de mise en œuvre et d’évaluation de l’attribution de terres. Le législateur doit prendre en considération le contexte et les pratiques coutumières lors de la formulation d’un cadre. C’est ainsi que désigner un « ménage » comme unité bénéficiaire de redistribution de terres peut exclure les femmes dans le cas où les hommes sont considérés comme les chefs de famille traditionnels ou lorsque les politiques publiques ne prennent pas en compte les ménages dirigés par une femme ou dirigés conjointement. Les politiques publiques doivent reconnaître les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale, comme un groupe bénéficiaire spécifique.
  • Le législateur doit veiller à ce que les femmes aient accès au crédit et à des prêts appropriés dans ces cas. Par exemple, lorsque l’État conserve la propriété de la terre et accorde aux individus un droit d’usufruit, les femmes, y compris les veuves, peuvent rencontrer plus de difficultés que les hommes. Dans le cas où des femmes indigentes ont peu d’accès au crédit, l’absence de titre de propriété de la terre qu’elles cultivent signifie qu’elles n’ont aucune garantie à fournir et par conséquent peu recours à des prêts. Ceci est particulièrement vrai dans les régions où les femmes ne peuvent accéder au crédit et aux prêts que par l’intermédiaire d’un parent de sexe masculin.

 

 

ÉTUDE DE CAS :

les politiques publiques doivent prendre en compte tous les besoins des bénéficiaires et y répondre. Le Botswana a accordé aux indigents des Certificats de droits, qui leur donnent la sécurité d’occupation et évitent les procédures complexes d’enregistrement. Dans le cadre de ce projet, le gouvernement possédait la terre urbaine et accordait aux titulaires de ces certificats le droit de construire une habitation sur cette terre. Accorder des droits limités avait également des conséquences sur les capacités économiques des bénéficiaires : les femmes ne pouvaient pas utiliser leur habitation comme garantie pour avoir accès au crédit et elles ne pouvaient pas louer des pièces pour améliorer leurs revenus. Voir : Katalin Komjathy et Susan E. Nichols, L’accès des femmes à la terre – Lignes directrices de la FIG (en anglais et en russe), Fédération internationale des géomètres (citation omise).

 

ÉTUDE DE CAS :

la législation doit veiller à ce que les femmes aient une possibilité égale de bénéficier des programmes d’attribution de terres en prenant en compte leurs besoins spécifiques et le contexte. Le législateur peut avoir à adopter des quotas, des politiques publiques spéciales et des mécanismes administratifs pour garantir aux femmes un accès équitable à la terre. Au Zimbabwe, la réforme agraire accélérée consistait à prendre la terre des propriétaires blancs pour la redistribuer à d’autres Zimbabwéens. Ce processus a été entaché de violence, de favoritisme et de corruption. L’attribution a été faite aux chefs de famille, le plus souvent des hommes. Lorsque le chef de famille était une veuve, elle pouvait recevoir de la terre si elle avait de jeunes enfants et si les chefs locaux considéraient qu’elle avait la capacité physique de cultiver 4,8 hectares. Or, cette condition n’était pas prévue pour les chefs de famille de sexe masculin. Si toutefois les chefs locaux estimaient que la veuve était trop âgée ou que ses enfants étaient adultes, elle ne recevait qu’un hectare. Les divorcées étaient exclues car on s’attendait à ce qu’elles quittent la terre pour vivre avec leur père ou leur famille, conformément à la coutume. Voir : Bill Derman, Après la réforme agraire accélérée du Zimbabwe : observations préliminaires sur le proche avenir des efforts du Zimbabwe pour résister à la mondialisation, 2006 (en anglais). Qui plus est, la politique suivie ne disposait pas des infrastructures ni des objectifs nécessaires pour garantir un accès équitable aux femmes. Bien que le gouvernement ait annoncé un quota de 20 % de femmes bénéficiaires du programme, il n’a pas mis en place les mécanismes administratifs nécessaires pour atteindre cet objectif. Voir : Human Rights Watch, Zimbabwe : La réforme agraire accélérée (en anglais), 2002.

 

Pratique encourageante : en Éthiopie, où toute la terre appartient à l’État, le gouvernement a délivré des Certificats fonciers à près de six millions de ménages dans l’intention d’améliorer la sécurité d’occupation, de promouvoir les droits des femmes et d’améliorer l’exploitation durable de la terre. Des Comités locaux d’administration de la terre, comprenant au moins une femme, ont participé à la mise en œuvre de l’enregistrement des terres et de la délivrance des certificats dans les villages. Ces documents devaient comporter le nom du mari et de la femme, leur photographie et des plans. Ces Comités doivent avoir une représentation féminine accrue, ils doivent recevoir une formation de sensibilisation aux questions de genre et avoir une présence au niveau des quartiers et des villages. Toutefois dans l’ensemble le processus de certificats fonciers a été peu coûteux, rapide et transparent. Les femmes estimaient en général que ces certificats conjoints avaient amélioré leur situation socioéconomique. Voir : ONU-Habitat, Garantir un accès sûr à la terre pour tous (en anglais), 2008 ; ONU-Habitat, L’enregistrement de la terre en Éthiopie : effets initiaux pour les femmes, (en anglais), 2008 ; IFPRI, Approches encourageantes pour répondre aux besoins des travailleuses agricoles pauvres (en anglais), 2008.

 

  • Le législateur doit prendre en considération que les questions de genre peuvent se croiser avec d’autres facteurs, comme l’ethnicité, ce qui aggrave la vulnérabilité. Dans un rapport sur les violations des droits des Oromos en Éthiopie, les personnes interrogées ont raconté comment des groupes ethniques se sont installés sur les terres des Oromos et décrit les conflits ethniques et la destruction de la base foncière des Oromos. Les récits illustraient la perception que le gouvernement réinstallait des personnes selon leur groupe ethnique à l’intérieur de l’Éthiopie, au détriment des Oromos. Le transfert des Oromos déstructure leur base foncière traditionnelle, crée une pénurie réelle ou perçue de ressources, et exacerbe des problèmes environnementaux comme la sécheresse. Les personnes interrogées ont affirmé que, en particulier à proximité des villes, le gouvernement éthiopien avait pris la terre de paysans oromos, qui ont ainsi été déplacés et dont plusieurs se sont retrouvés à la rue. Le législateur doit prendre en compte les facteurs ethniques, entre autres, qui peuvent avoir des conséquences supplémentaires pour l’accès des femmes, y compris des veuves, à la sécurité d’occupation. Voir : The Advocates for Human Rights, Les droits de l’homme en Éthiopie : le point de vue des Oromos, 2009 (en anglais).