Planifier un programme de formation judiciaire

Dernière modification: December 23, 2011

Ce contenu est disponible dans

Les options
Les options

La formation des magistrats nécessite une planification spéciale pour élaborer  des programmes qui leur soient utiles et instructifs.

Créer une infrastructure de formation

  •  Évaluer la base des connaissances existantes par des questions écrites ou des discussions à chaque échelon de l’appareil judiciaire.
  • Mettre au point des formations régulières sur les lois et les dispositions politiques en vigueur.        
  • Élaborer et faire connaître les formations à l’occasion de la promulgation de nouvelles lois et de l’adoption de nouvelles politiques.
  • Exiger la participation aux stages de formation pour garder la licence d’avocat, s’il y a lieu.
  • Prévoir des cours de formation séparés pour chaque échelon de l’appareil judiciaire. Cela s’impose plus particulièrement dans certaines situations très hierachisées, où les juges pourraient ne pas participer à des stages communs avec le personnel judiciaire de catégorie inférieure.   
  • Intégrer une version de base de la formation aux programmes de l’École de la magistrature.
  • Utiliser une approche de “formation des formateurs” pour optimiser les résultats - un noyau de formateurs peut former plus de formateurs ou plus de magistrats.
  • Utiliser les technologies de l’Internet, notamment les sites Web, pour partager les informations et répondre aux questions.
  • Présenter les affaires de violence sexiste comme des affaires “spécialisées” qui ne peuvent être entendues que par des juges compétents dans ce domaine. L’acquisition de ces compétences, assortie d’augmentations de salaires correspondantes, peut attirer plus de magistrats à recevoir une formation sur ces questions et atténuer leurs réticences à y participer.
  • Exiger une formation sur les questions relatives à la violence sexiste pour tous les greffiers et autre personnel administratif. 

Outil:  

Termes de référence: Consultant pour mettre en place une base de référence (Bureau sous-régional de l’ONU-Femmes pour l’Afrique subsaharienne et les Îles de l’ocean Indien, 2010). En anglais. Un programme de l’ONU-Femmes a recherché un consultant pour créer une banque de données sur les besoins en matière de capacité, des modules de formation, des activités de suivi, et pour mener une évaluation et faire des recommendations quant au renforcement des capacités des magistrats et des autres professionnels de la justice.

 

Définir des objectifs

Les objectifs décrivent tous les avantages que présente la formation pour les participants. Les contenus des objectifs seront élaborés dans le programme d’études. Faire connaître des objectifs précis, actuels et contextuels dans vos documents d’inscription aux cours et votre matériel publicitaire de sorte que les magistrats puissent identifier ce qu’ils doivent apprendre ou perfectionner et participer à votre formation pour y acquérir ces connaissances. 

 

États-Unis: Exemple d’objectifs de formation pour les magistrats  

Voici quelques exemples d’objectifs d’une formation judiciaire sur des exercices pratiques en matière d’administration de la justice pour les affaires de violence conjugale:

Grâce à cette formation, vous serez mieux à même:

  • D’évaluer vos connaissances actuelles sur les dynamiques de la violence conjugale et la manière de traiter les affaires y afférentes.
  • De vous exercer à statuer sur des affaires réalistes et hypothétiques de violence conjugale.
  • D’identifier les questions factuelles, juridiques, procédurales et de ressources qui se posent souvent dans les affaires de violence conjugale.
  • D’évaluer les effets négatifs de la violence conjugale sur la victime, le conjoint violent et les enfants.

Exemples d’objectifs d’une formation judiciaire sur le comportement de la victime et du délinquant dans les affaires de violence conjugale:

Grâce à cette formation, vous serez mieux à même:

  • De décrire les circonstances et les modes de comportement violent.
  • De sélectionner des moyens efficaces d’intervention contre la violence et de responsabilisation du conjoint violent. 
  •  De mesurer les effets de la violence conjugale sur les victimes adultes et enfants qui sont confrontées à la violence.
  • D’évaluer la prise de décision et la comparution des victimes et des prévenus.

Exemples d’objectifs d’une formation judiciaire sur la façon de recueillir et d’évaluer les informations relatives aux affaires de violence conjugale:

Grâce à cette formation, vous serez mieux à même:

  • D’évaluer les faits avant de trancher.
  • De mesurer la dangerosité de certains conjoints violents.
  • D’appliquer la compréhension de la violence conjugale à l’enquête judiciaire.
  • D’identifier et résoudre les problèmes relatifs aux preuves les plus préoccupants pour les magistrats.

Exemples d’objectifs de formation judiciaire sur les compétences décisionnelles dans les affaires de violence conjugale:

Grâce à cette formation, vous serez mieux à même:

  • D’identifier des points décisionnels communs aux affaires civiles et pénales où la compréhension du phénomène de la violence conjugale peut influencer la manière dont vous rendez les arrêts et les arrêts prononcés.
  • De rédiger et délivrer des ordonnances de protection eficaces qui (a) mettent fin à la violence, (b) protègent les victimes adultes et enfants, (c) exigent un traitement approprié du conjoint violent, (d) facilitent l’application de la loi dans les affaires pénales et civiles de violence conjugale.
  • De mesurer l’impact de la violence conjugale sur les affaires de garde et de droits de visite. 
  • D’évaluer les programmes d’intervention auprès des conjoints violents et l’information concernant les options de traitement et/ou d’intervention appropriées.
  • D’identifier les avantages potentiels de convoquer des audiences de révision en concertation avec les services de libération conditionnelle pour suivre le comportement des conjoints violents dans les affaires de violence conjugale.

Source: Jennifer White, Attorney for Legal Programs, Family Violence Prevention Program (États-Unis).

 

Élaborer le programme d’études

Après avoir défini les objectifs, préparez leur élaboration et illustration, à l’aide d’études de cas, de power points, de jeux de rôle, de conférences et de discussions de groupe. La fin de chaque segment du programme doit résumer les points à retenir. Les stratégies d’élaboration de programme consistent à:

  • Faire participer à l’élaboration du programme les fonctionnaires des ministères concernés, par exemples les ministères de la Santé, des Affaires familiales, de l’Intérieur ou de la Sécurité.
  •  Obtenir les réactions des ONG et des prestataires de service sur l’élaboration du programme. Cela permettra d’avoir les avis de ceux qui connaissent les questions relatives à la fourniture de services aux victimes de la violence et de renforcer la confiance entre l’appareil judiciaire et ces groupes.
  •  Obtenir les réactions des victimes qui participent à tous les programmes de formation, qui sont les mieux placées pour exprimer leurs besoins. 
  •  S’efforcer d’obtenir un financement suffisant pour la production de matériel de qualité et le recrutement de formateurs et de consultants compétents.
  •  Tester les séances de formation sur le terrain auprès des autorités  judiciaires et intégrer leurs réactions.
  •  Obtenir l’aval des plus hautes autorités judiciaires sur le contenu du programme d’études et le faire connaître aux stagiaires potentiels.  
  •  Participer régulièrement aux conférences internationales et régionales sur la formation judiciaire afin de s’informer des meilleures pratiques et des idées nouvelles à intégrer au programme d’études.
  •  Organiser régulièrement des séances d’examen du programme d’études pour s’assurer que son contenu reste pertinent et qu’il répond aux objectifs.

 

Élaborer un programme de formation judiciaire:

  1. Convoquer une réunion des principales parties intéressées, en y incluant des magistrats, des avocats spécialisés en violence conjugale, des responsables de l’application de la loi, des professionnels de la santé mentale, et des experts sur le thème à l’examen examen, par exemple, des experts sur les droits de visite dans les affaires de violence conjugale.
  2. Réfléchir avec les participants sur la réalisation d’une évaluation des besoins en connaissances des magistrats sur le domaine en question. Aborder tous les aspects du problème qu’un juge doit connaître. Cette réflexion peut être menée par téléphone, e-mail ou en personne. Il est important d’enregistrer toutes les réflexions, cette activité étant très utile  l’élaboration d’un programme.
  3. Hiérarchiser les thèmes issus de la réflexion. Certains thèmes pourront être intégrés à d’autres.
  4. Fixer des objectifs d’apprentissage réalisables. Cela permettra d’orienter l’élaboration du programme. Pour un exemple de synthèse des objectifs d’apprentissage, cliquez ici.
  5.  Élaborer des résultats d’apprentissage, ou cinq à huit points essentiels que vous voudriez voir les juges retenir à l’issue de l’exercice. Par exemple, vous voudriez peut-être qu’ils puissent identifer les moyens employés par un conjoint violent pour continuer de brimer son ex-épouse pendant les visites surveillées, par exemple se présenter sur les lieux de la visite à l’heure réservée à son ex-épouse. Ce qu’il faut retenir est que les conjoints violents peuvent utiliser leur droit de visite surveillée pour harceler les victimes. 
  6. Créer un module d’apprentissage qui relie l’objectif d’apprentissage au résultat d’apprentissage. Cela constitue la structure du programme d’études.
  7. Élaborer le programme d’études en tenant compte des fonctions du juge, qui consistent à établir les faits et à rendre des arrêts. Fonder vos exercices sur ces fonctions. Par exemple, une conférence sur les dynamiques de la violence envers les femmes pourrait être suivie d’un exercice pour établir les faits et d’un autre pour rendre un arrêt dans une affaire de violence sexiste.
  8. Rendre l’exercice concret et adapté à leurs expériences, par exemple le niveau judiciaire. Les conférences abstraites ne suffisent pas. Travailler à partir d’affaires réelles. Les présenter aux juges et leur demander comment ils statueraient, et leur faire un bref exposé à la fin pour bien faire comprendre.
  9. Les principes d’appprentissage pour adultes stipulent que ceux-ci doivent assimiler et s’approprier l’information pour bien la retenir. Structurer donc les exercices interactifs de la manière suivante:
  • Présenter l’information.         
  •  Donner l’occasion aux juges de résoudre le problème en groupe.
  • Offrir quelques éléments de confirmation à considérer, par exemple des suggestions pour de meilleures pratiques.
  • Ne pas leur dire quoi faire; leur donner l’occasion de trouver la solution au problème entre eux. Souvent les remarques que vous voulez faire seront faites pour vous par leurs homologues dans la salle, ce qui est très utile.

10.       Utiliser différents types d’exercices, notamment les jeux de rôle, les conférences, les séances de questions et réponses, et les exercices de cas en petit groupe ou grand groupe.   

11.       Avoir toujours recours à un juge pour les présentations “en direct”, notamment les exercices et les conférences. Les juges apprendent le plus de leurs homologues. Par exemple, même si le conférencier est un expert en développement des enfants, s’assurer que c’est un juge qui livre les remarques liminaires et finales qui confirment les propos de l’orateur. L’apprentissage en équipe est un aspect important de la formation judiciaire.  

12.       Commencer la séance par un exercice qui allie intellect et empathie, en invitant, par exemple, les juges à assumer le rôle de la femme battue. Leur présenter plusieurs incidents qui émaillent la vie de la victime auxquels ils doivent réagir comme s’ils étaient cette femme. Leur demander de trancher en silence et de faire connaître leurs décisions en se rendant dans différents emplacements de la salle qui représentent soit un appartement, soit un abri, soit un refuge pour les sans-abris, soit une école, etc., en fonction des situations successives annoncées par le formateur. L’exercice vise à donner aux juges l’occasion de réfléchir sur les véritables expériences vécues par les victimes, leur permettant ainsi de rendre les meilleurs arrêts pour la sécurité de celles-ci. Un autre exercice consiste à montrer les expériences vécues par une victime lors de sa comparution, en fonction de la manière dont elle est traitée par les greffiers, ce qui arrive lorsque l’agresseur entre dans la salle d’audience, l’importance de l’attitude adoptée au tribunal, etc. L’exercise a pour objet de réduire les risques de nouvelle victimisation d’une victime par un juge.        

13.       Faire toujours le point avec les juges après une séance de jeux de rôle. Leur donner l’occasion d’exprimer leurs sentiments et d’évoquer les problèmes que posent ces situations dans la vraie vie. Il faut leur demander: Comme cela s’applique-t-il à votre rôle de juge? Ils diront peut-être qu’ils ne s’étaient jamais rendu compte auparavant des souffrances endurées par les victimes.     

14.       À l’issue de la formation, demander aux juges ce qu’ils ont appris de plus important au cours du stage et ce qu’ils feront différemment maintenant qu’ils ont acquis ces connaissances.

15.       Après la formation, confier aux juges une liste de vérification à emporter. Ils n’ont généralement pas le temps de lire plus. Ils utiliseront la liste de vérification comme un outil, à l’instar d’un guide pour la magistrature.

 

Stratégies d’évaluation

  •  Utiliser un questionnaire de présession pour évaluer le niveau des connaissances des participants. Utiliser les informations acquises grâce au questionnaire dans la planification de programme. 
  • Inviter les juges à évaluer chaque séance du programme en la résumant avant de quitter la salle.  
  • Six mois après la fin de la formation, envoyer aux juges un bref sondage (de préférence en ligne). Rattacher le questionnaire d’évaluation de présession, l’évaluation effectuée à l’issue de la session et l’enquête finale d’après-session par un numéro d’identification pour évaluer les progrès accomplis par chaque participant.

Source: Jennifer White, Attorney for Legal Programs, Family Violence Prevention Program (États-Unis (Entretien, 18 novembre 2010).

 

Autres stratégies à utiliser en salle de classe

  •  Fournir des exemples adaptés aux conditions de chaque échelon de l’appareil judiciaire. 
  •  Fournir de la documentation à être utilisée à l’extérieur de la salle de classe sous forme de liste de vérification pour en faciliter l’utilisation.
  •  Prévoir que les convictions traditionnelles puissent freiner les progrès jusqu’au moment où les stagiaires sont convaincus de l’importance de la mission de formation.
  • Offrir une formation avancée après la fin de la formation de base des stagiaires.  (FNUAP, 2008).

 

Fondement des stratégies en matière de contenu:

Les stratégies suivantes forment le fondement de toutes les formations judiciaires à la violence envers les femmes:

  • Communiquer le message que toute violence est inacceptable.
  • Sensibiliser le public au message de l’égalité des sexes. Intégrer une formation en contexte social à tous les programmes de formation judiciaire. Les juges doivent comprendre les inégalités systémiques subies par les femmes.
  • Établir un lien entre un système de justice équitable et accessible et des taux améliorés de signalement d’actes de violence.
  • Établir un lien entre les sanctions et une culture de responsabilité.

Exemple: L’Institut national de la magistrature du Canada a mis au point une formation continue en sensibilisation destinée aux magistrats qui traitent des cas d’enfants sexuellement abusés: “Les initiatives de formation qui visent les besoins des victimes au sein du système de justice pénale sont partie intégrante du programme de perfectionnement de  l’INM. Par exemple, depuis sa création, l’INM a beaucoup insisté sur les programmes de sensibilisation à la violence faite aux femmes et aux enfants. En 1997, dans le but d’offrir davantage de services dans ce domaine, l’INM a mis en oeuvre le Projet de formation sur la réalité sociale, qui s’étale sur trois ans. Entre autres, le projet sensibilise les juges à diverses situations susceptibles de se présenter devant le tribunal, notamment la violence à l’endroit des enfants”. Voir: Formation des juges sur les besoins des enfants.

  • Former les magistrats pour leur permettre d’appliquer les normes et lois internationales dans les affaires nationales de manière à faire progresser la justice pour les femmes.

Conseils pour la formation des magistrats

Stratégies pour accroître la participation des juges:

  •  S’associer aux conseils nationaux de la magistrature pour la logistique, les plans marketing et les compétences.
  •  S’associer aux organismes gouvernementaux et ministères ayant une expertise dans le domaine concerné.
  •  S’associer aux bailleurs de fonds des programmes de formation judiciaire pour obtenir le financement nécessaire à la participation des magistrats .
  •  Faire connaître les programmes par le biais des “portiers” de la participation judiciaire, notamment les administrateurs de tribunaux.
  •  Proposer d’aider certains magistrats à obtenir le financement nécessaire à leur participation à la formation. 
  •  Établir des rapports avec les juges les plus importants et les inviter à encourager la participation de leurs collègues à la formation.
  •  Reconnaître à chaque session le mérite des magistrats qui suivent la formation. Décernez-leur un certificat à l’issue de la session qu’ils pourront montrer à l’administrateur de tribunal. 
  •  Au cas où les magistrats s’opposent à leur participation aux formations sur la violence envers les femmes au motif qu’ils risqueraient de passer pour favoriser les victimes, fournissez-leur les liens pertinents vers des modèles de codes déontologiques pour leur pays. Par exemple, le Modèle de Code de conduite de la Magistrature de l’Association du Barreau américan encourage la participation des magistrats aux conférences thématiques.  
  • Proposer des formations de diverses durées: des séminaires d’introduction de trois jours, des stages de perfectionnement plus courts, des tables-rondes d’une journée avec des experts sur les nouveaux enjeux de la violence envers les femmes, notamment les programmes d’intervention auprès des conjoints violents et les questions de garde.

Argentine: Formation du personnel judiciaire à l’égalité des femmes et aux droits des femmes

Le Bureau des affaires féminines de la Cour suprême de l’Argentine et le Bureau pour la lutte contre la violence conjugale ont lancé un programme de formation pour les facilitateurs du système judiciaire en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes. Les facilitateurs animent ensuite des ateliers sur la justice pour les femmes à l’intention de juges, de procureurs, des autorités judiciaires et du personnel administratif. Le programme a été lancé lorsque des femmes juges ont constaté de fortes disparités dans les décisions judiciaires rendues précédemment. Ce  programme, le plus important et le plus innovant en matière de formation sexospécifique jamais mis au point dans la région, doit constituer un modèle pour les pays de l’Amérique latine.

Les étapes de la mise en oeuvre du programme ont compris, entre autres: 

  • La sélection de facilitateurs compétents en fonction de leurs connaissances et parcours professionnel.
  • L’élaboration par des experts des questions de justice et d’égalité des sexes de modules de formation sur les aspects théoriques et pratiques de ces enjeux à l’usage des facilitateurs. Les modules comprennent du matériel de lecture et audiovisuel.
  • L’examen par les facilitateurs des outils et des instruments des droits fondamentaux des femmes qui consacrent le droit des femmes à l’égalité. 
  • La participation des facilitateurs aux exercices de jeux de rôles fondés sur les sexes dans la société.
  • Formation des facilitateurs au langage sexiste et à la manière d’éviter l’utilisation de termes discriminatoires.

Source: Valente. 2010. Pioneer in Mainstreaming Gender Perspective in Justice System.

 

Thaïlande: Sensibilisation croissante à la violence envers les femmes et les filles

Changing people’s perceptions and attitudes (Changer les perceptions et les attitudes), projet visant à renforcer les capacités de l’appareil judiciaire de la Thaïlande, a été lancé lorsque le suivi des décisions de la Cour Suprême du pays a révélé que des préjugés sexistes auraient pu être un facteur dans les affaires de violence à caractère sexiste. Après la publication des résultats du suivi par un colloque juridique, des formations ont été organisées par l’organe administratif de l’appareil judiciaire, La Commission nationale des droits de l’homme, et une ONG thaïlandaise, la Fondation Teeranat Kanjauksorn. Un modèle de tribunal spécialisé en violence conjugale a été créé par le système judiciaire pénal thaïlandais, en particulier de nouvelles dispositions favorables aux femmes. Changing people’s perceptions and attitudes est un programme d’études interactif qui intègre une production théâtrale au cadre international des droits de la personne et aux formations sur la violence sexiste et la violence conjugale. La pièce de théâtre stimule un débat sur l’amélioration de la réponse à la violence faite aux femmes et aux filles. Elle décrit le parcours de quatre victimes de la violence dans leur quête de justice dans le système thaïlandais, notamment les humiliations subies et les expériences vécues dans des salles d’audience hostiles avec des avocats de la défense malveillants. La pièce intitulée “Little Dots, and I Do Hope” (“Petits points, et j’espère bien”) a été mise en scène par un groupe théâtral professionnel appelé Bai Mai Wai, ou la Feuille mobile. Le dernier acte de la pièce intègre des thèmes de discussion des groupes précédents, détaillant les moyens concrets pour éviter la revictimisation des victimes. D’autres systèmes juridictionnels thaïlandais utilisent à présent ce programme d’études pour la formation de magistrats et personnel judiciaire. 

 

Pour de plus amples renseignements, veuillez contacter Mme. Supatra Putananusorn, à supatra.putananusorn@unifem.org.

Formation dans les affaires pénales et civiles

La formation judiciaire doit s’axer sur les affaires pénales et civiles, et être obligatoire pour les magistrats dans divers contextes juridiques, notamment ceux qui traitent des affaires familiales, des questions d’immigration et d’emploi. Bien que les affaires de violence envers les femmes relèvent souvent du droit pénal, elles sont fréquemment jugées en vertu du droit civil. Dans certains pays, les affaires de harcèlement sexuel relèvent pratiquement toujours du droit civil. Les affaires de violence conjugale et de violences liées à la dot comportent également d’importants aspects civils, notamment les ordonnances de protection, le divorce et les questions de garde. Les affaires de traite comportent souvent des procédures d’immigration séparées. Les juges, les procureurs et autre personnel judiciaire dans tous ces domaines ont besoin d’une formation spécialisée.

 

États-Unis: Formation juridique à la violence conjugale    

Le National Council of Juvenile and Family Court Judges (Conseil national des magistrats des tribunaux pour mineurs et des affaires familiales) est à l’avant-garde de la formation de ces magistrats pour mieux répondre aux situations de violence familiale. L’organisation a produit The Greenbook (Le livre vert), un guide aux magistrats pour des interventions efficaces dans les affaires de violence familiale, qui a été avalisé par le ministre américain de la Justice (U.S. Attorney General). Dans le cadre de la Greenbook Initiative, le Conseil a également participé avec six sites de démonstration à l’échelon national à la définition d’une approche coordonnée de la réponse communautaire (CCR) à la mise en oeuvre des recommandations du Greenbook. L’utilisation du Greenbook et l’efficacité de ses directives ont été évaluées à chaque site, ce qui s’est traduit par le développement de leçons tirées et de nouveaux outils des expériences des tribunaux, des défenseurs, et des prestataires de service à travers les États-Unis. Les rapports d’évaluation et les outils sont disponibles sur le site Web de la Greenbook Initiative.

Le US Family Violence Prevention Funds’s Judicial Education Project (programme de formation judiciaire du Fonds américain de prévention de la violence familiale) propose aux magistrats de tous les niveaux une formation, des orientations, de la documentation et des ressources en ligne qui leur sont nécessaires pour fournir une assistance efficace aux victimes de la violence familiale. Le projet permet aux juges d’apprendre comment instruire ces dossiers et prendre des décisions les concernant, et comment rendre les arrêts les plus favorables aux femmes et aux enfants confrontés à la violence.

En collaboration avec le National Council of Juvenile and Family Court Judges, le Judicial Education Projet propose les cours du National Judicial Institute on Domestic Violence (Institut national de la magistrature sur la violence conjugale) pour aider les magistrats à acquérir ou perfectionner leurs connaissances sur le  traitement d’un grand nombre d’affaires pénales et civiles en matière de violence conjugale. Les séminaires fournissent des informations sur les dynamiques de la violence conjugales et des questions afférentes, et offrent des conseils pratiques sur le traitement juste et efficace de tous les aspects de ces cas complexes, par le biais d’activités interactives.

À ce jour, plus de 1.000 juges de tout le pays ont participé aux ateliers de formation de trois jours de l’Institut, retournant dans leurs communautés avec une bien meilleure compréhension de la violence conjugale, des outils améliorés pour traiter les détails pratiques des enjeux juridiques, et un sens plus aigu du rôle considérable qu’ils peuvent jouer à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience pour aider les victimes à assurer leur sécurité, à obtenir des soutiens et à réaliser l’autonomie.

 

Formation à la nouvelle législation

À l’occasion de l’adoption de nouvelles législations, une formation judiciaire devrait être dispensée directement en concertation avec tous les acteurs du système judiciaire. L’exemple suivant de l’Albanie illustre une stratégie de formation des parties concernées à l’application d’une nouvelle loi.

Albanie:  Renforcement des capacités pour assurer l’application d’une nouvelle loi sur la violence conjugale

La loi albanaise de 2006 sur les mesures visant à lutter contre la violence au sein de la famille No. 9669  a confié à plusieurs ministères du Gouvernement albanais la responsabilité d’appliquer la loi et a appelé à la coopération entre les parties prenantes, à savoir la police, les responsables des programmes d’hébergement, les tribunaux, les magistrats et les organismes de services sociaux. La Women’s Legal Rights Initiative (Initiative pour la défense des droits juridiques des femmes) a élaboré une série de stratégies pour créer les capacités d’une intervention communautaire coordonnée, notamment:

  • Animation d’une formation préliminaire pour les principaux décideurs qui précède l’adoption de la loi.
  • Identification des personnes chargées de la mise en oeuvre de la loi ou des personnes qui exercent une influence sur son application.
  • Animation d’une formation spécialisée pour les principaux responsables de l’exécution de la loi sur leurs responsabilités prévues par la loi et les meilleures pratiques provenant d’autres pays.
  • Sélection d’un noyau d’exécutants particulièrement motivés pour une consultation en trois phases: (1) Examen des rôles et des responsabilités avec les autorités ministérielles pour préparer leur participation à la mise en oeuvre de la loi, rencontrer les responsables pour s’assurer du soutien du ministère, présenter aux autorités des protocoles d’autres pays aux fins d’examen et d’adaptation au contexte national albanais, et obtenir l’appui des stagiaires policiers à l’intégration des questions relatives à la violence conjugale au programme d’études et à l’inclusion des délits de violence conjugale dans les  formulaires de police et banques de données, (2) Examen des progrès réalisés sur les protocoles avec chaque membre du noyau en la présence d’une ONG locale  spécialisée dans la sensibilisation du public et les stratégies de mobilisation, et (3) Examen continu des protocoles et diffusion de renseignements pratiques sur la mise en oeuvre de la loi sur la violence conjugale et animation d’un atelier au cours duquel les participants ont examiné les protocoles.

Outils: 

The Albanian Benchbook for Protection Orders (The Women’s Legal Rights Initiative, 2006). En anglais et albanais. Conçu pour aider les juges à délivrer les premières ordonnances de protection.

Des protocoles ont également été élaborés à l’intention des policiers, des procureurs, des travailleurs sociaux, des professionnels de la santé et des ONG.

Creation of a Community Coordinated Response Team Against Domestic Violence  (Chemonics International Inc., 2006). En anglais et albanais. Directives Directives de mise en oeuvre à l’intention des ministères publics et des ONG.

Source: USAID. 2007. The Women’s Legal Rights Initiative.

 

Les formations doivent être partie intégrante du programme régulier

Népal:  La formation sexospécifique inscrite dans le programme d’études standard pour les juges et les avocats

En 2006, le Népal a adopté une série de réformes du secteur judiciaire, notamment l’intégration des questions sexospécifiques dans l’appareil judiciaire. Les juges et les avocats reçoivent à présent une formation normalisée concernant les questions sexospécifiques et les instruments internationaux des droits humains qui ont été signés par le Népal. Auparavant, le personnel juridique participait à des formations fragmentées sur les questions relatives à l’égalité des sexes mais ne disposait pas d’un module de formation uniforme. Grâce au Mainstreaming Gender Equity Programme (Programme d’intégration de l’égalité des sexes) du PNUD, un programme d’études a été conçu et diffusé par l’Académie nationale de la magistrature. L’intégration des questions sexospécifiques et des instruments des droits humains à la formation régulière des juges et des avocats devrait renforcer les capacités de la justice de rendre des arrêts en tenant compte de la situation de la femme et accroître la représentation féminine dans l’appareil judiciaire.

Téléchargez les ressources de formation. Disponible en anglais.

 

Source: Programme des Nations Unies pour le développement. Women’s issues now part of legal training in Nepal. (Les questions liées à la femme désormais partie intégrante de la formation juridique au Népal). 

 

La formation devrait commencer à l'école du droit

Albanie et Libéria: les écoles de droit dispensent des cours sur la violence domestique

The Women’s Legal Rights Initiative (Initiative pour les droits juridiques des femmes) s’est jointe à l’École de la magistrature de l’Albanie, qui forme les futurs juges et procureurs, pour parrainer et fournir un soutien financier à l’intégration d’un cours consacré à la violence conjugale, à la traite des êtres humains et à la sensibilité aux questions de parité des sexes au programme scolaire. Au bout de deux ans, l’école a inscrit ce cours dans son programme permanent. Les étudiants reçoivent à présent 14 heures d’enseignement rien que sur des questions liées à la violence conjugale, notamment les aspects juridiques et judiciaires de la violence conjugale et du droit de la famille et le rôle des procureurs dans ces affaires.

USAID. 2007. Women’s Legal Rights Initiative: Final Report (Initiative pour les droits juridiques des femmes: Rapport final). Pour une courte séquence vidéo décrivant le projet, cliquez ici. Pour une vidéo de American Bar Association: Rule of Law Initiative on Judicial Reform Through Legal Education in Liberia (Association du Barreau américain: Initiative pour l’État de droit en matière de réforme judiciaire par la formation juridique au Libéria) cliquez ici.

 

Formation des magistrats dans le monde:

OUGANDA: En Ouganda, la National Association of Women Judges (Association nationale des femmes magistrats) a collaboré avec l’appareil judiciaire à l’utilisation des instruments internationaux dans les affaires de discrimination ou de violence envers les femmes. “Les magistrats qui ont participé à la formation ont remarqué une amélioration de leur capacité de repérer les préjugés sexistes et de rendre des arrêts qui tiennent compte des sexospécificités”. Amnesty International. 2010.  I Can’t Afford Justice: Violence Against Women in Uganda Continues Unchecked and Unpunished. (Je ne peux pas me permettre de faire appel à la justice: La violence envers les femmes en Ouganda se poursuit impunie).

ESPAGNE: La loi espagnole sur la violence sexiste stipule que les juges qui entendent des requêtes d’ordonnances de protection doivent recevoir une formation sur les questions relatives à la garde des enfants, à la sécurité et au soutien économique aux victimes et à leurs dépendants. De surcroît, tous les employés des tribunaux espagnols spécialisés dans les affaires de violence envers les femmes, depuis les magistrats jusqu’aux greffiers, doivent recevoir une formation aux questions relatives à la violence sexiste axées sur “la vulnérabilité des victimes”. Article 47.

AILLEURS DANS LE MONDE: L’Association internationale des femmes juges (AIFJ) mène des programmes de formation judiciaire à l’intention des juges et des magistrats dans cinq pays en Amérique latine et Afrique. Grâce au Jurisprudence of Equality Program (JEP) (Programme Jurisprudence de l’égalité) (PJE), l’association offre une formation aux membres de l’appareil judiciaire à la mise en oeuvre des lois internationales, régionales et nationales relatives à la discrimination et à la violence envers les femmes. L’association affirme que les juristes qui ont reçu la formation du PJE ont la réputation de rendre des arrêts qui invalident les lois et les pratiques discriminatoires. Ils ont par ailleurs contribué à renforcer les droits des femmes sur des questions se rapportant à la discrimination économique, au droit de propriété, à la garde, à la succession, à l’agression sexuelle et à toutes les formes de violence envers les femmes. Plus de 2.500 juges ont participé à la formation JPE dans 21 pays. Beaucoup des juges formés au programme lui attribuent de les avoir alertés quant à la nature et à la portée de la violence conjugale et de la discrimination fondée sur le sexe, aux préjugés et aux stéréotypes qui les soutiennent, de même que quant aux façons plus efficaces et délicates de poser des questions aux témoins. En Zambie, l’AIFJ a créé des “boucles de rétroaction” pour documenter et évaluer les capacités de l’appareil judiciaire de répondre aux besoins des femmes victimes de la violence afin de déceler les véritables obstacles qui empêchent les femmes d’accéder à la justice. 

La Women’s Initiative for Gender Justice (WIGJ) est une organisation internationale des droits fondamentaux de la femme qui vise à assurer que les activités de la Cour pénale internationale (CPI) font progresser la justice pour les femmes. La WIGJ a mené un certain nombre de formations pour les juges, procureurs et employés de la CPI. En complément de cette initiative, la WIGJ a publié trois manuels qui replacent la violence dans une perspective sexospécifique, examinent les ramifications de la violence sexuelle et fournissent des renseignements juridiques pertinents sur la violence sexospécifique. La WIGJ s’est également employée à améliorer la diversité des sexes au sein de la CPI en recrutant des femmes aux postes vacants et en soutenant leur élection et/ou nomination.

 

Outils:

In Her Shoes: Living with Domestic Violence (Washington State Coalition Against Domestic Violence). Outil de simulation dans lequel les participants se déplacent, agissent, réfléchissent et vivent la vie des femmes battues; s’adresse aux groupes communautaires et professionnels. En anglais et espagnol

In Her Shoes: Economic Justice Edition (Washington State Coalition Against Domestic Violence). Disponible en anglais.

In Their Shoes: Teens and Dating Violence (Washington Sate Coalition Against Domestic Violence). Disponible en anglais.

Walking Wisdom (Sakshi ONG, Inde). Une trousse à outils avec des outils visuels pour transformer la formation des magistrats et de l’appareil judiciaire. Les thèmes abordés portent, entre autres, sur la Compréhension de la réalité des femmes, l’Impact des inégalités, les Mythes et stéréotypes et perceptions de la justice. Utilise des situations réelles pour illustrer les outils de prise de décision équitable. Pour commender, prière de contacter: sakshipaths@yahoo.com.

Guia de capacitación para operadores y operadoras de justicia: Género, acceso a la justicia y violencia contra las mujeres (CLADEM, 2008). En espagnol. Ce guide de formation se compose de trois unités. Chacune comporte une présentation des principes et des concepts fondamentaux. Le manuel  comprend des textes et du matériel audiovisuel qui:

  • Accroient la sensibilisation à la violence conjugale, aux droits fondamentaux des femmes et à l’absence de signalement des actes violents.
  • Refléchissent au cadre normatif international et national en matière de violence domestique et de sa mise en application concrète dans l’administration de la justice. 
  •  Appuyent l’application appropriée de la législation la plus adaptée aux cas concrets de violence comme le meilleur moyen pour édifier un monde plus juste, plus égalitaire et plus équitable.

Manual for a Three Days Training for Media, Legal, and Education (Christian Empowerment and Sustainable Program, 2008). Manuel conçu pour être utilisé avec les secteurs clés, notamment le secteur judiciaire, pour éclairer sa réponse face à la violence sexiste, à l’exploitation sexuelle et aux problèmes de la violence au Libéria.  

  Civil Protection Orders: A Guide for Improving Practice (National Council of Juvenile and Family Court Judges, États-Unis, 2010). En anglais. Fournit des conseils aux défenseurs, avocats, responsables de l’application de la loi et magistrats sur la manière de s’assurer que les ordonnances de protection sont effectivement délivrées, servies et appliquées.

A Judicial Guide to Child Safety in Custody Cases (National Council of Juvenile and Family Court Judges, 2009). En anglais. Les affaires de garde d’enfants comportant des actes de violence présentent des aspects compliqués de sécurité et d’accès. Le guide pour les magistrats comprend 14 fiches pour les juges qui traitent des affaires de garde d’enfants, et un guide supplémentaire qui offre des renseignements additionnels sur les comportements à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal, les meilleurs intérêts de l’enfant, et la délivrance et l’application des ordonnances.

A Guide for Effective Issuance & Enforcement of Protection Orders (National Council of Juvenile and Family Court Judges, États-Unis, 2005). En anglais. Offre aux communauté et aux professionnels de la justice des outils et des stratégies précises pour améliorer l’efficacité des ordonnances de protection.  Comprend une section sur les systèmes de données et les registres nationaux.

 Navigating Custody & Visitation Evaluations in Cases With Domestic Violence: A Judge’s Guide (Dalton et al., 2006). En anglais. Certains magistrats américains s’appuyent sur des évaluateurs professionnels en matière de garde pour éclairer leurs décisions relatives aux questions de garde des enfants et de droits de visite. Cet outil aide les magistrats à interpréter et à suivre ces évaluations lorsque les affaires de droit de la famille comportent des actes de violence conjugale. Le manuel comprend quatre fiches pour magistrats et une documentation supplémentaire.